• Ressac

             Elle quitta l’allée principale qui menait au phare et sur laquelle elle avait dû serpenter entre vélos, familles avec poussettes, touristes bedonnants sortant en rangs serrés d’un autocar. « Peuvent pas rester devant leur télé », maugréa-t-elle, pleine d’une mauvaise foi qui lui fit un peu honte. Mais elle avait un tel besoin de couper avec le monde, qu’elle en voulait à quiconque s’interposait entre elle et cette nature dans laquelle elle voulait se fondre. Le grand silence des marais, strié des seuls cris, plaintes, feulements et battements d’ailes d’oiseaux, l’avaient apaisée depuis plusieurs jours, mais elle avait eu envie d’élargir son horizon bucolique en avançant vers la mer. Mal lui avait pris de choisir ce lieu qui semblait rassembler tous les visiteurs de l’île. Alors peut-être, ce petit chemin sablonneux qui s’écartait des grands déplacements et qui, longeant la côte en contrebas, devait bien déboucher sur le grand large.

            En escaladant la dune, elle commença par l’entendre gronder, battre, rouler, avant de découvrir cette immensité verte, bleue, noire, blanche, venant se fracasser sur les rochers. Un élément liquide venu du fond d’un horizon plombé pour se déchaîner à ses pieds, exploser en gerbes éblouissantes traversées par des vols de mouettes et de bécasseaux. Son coeur se mit à battre à l’unisson, à parcourir avec détermination l’étendue chatoyante pour venir briser ses colères, ses haines, ses peurs, contre la rude roche, puis se laisser aller dans le creux sableux, musarder dans cette douceur dorée, avant de repartir apaisé, régénéré.


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