• Partir du réel pour entrer dans l'étrange

     

    Les dossiers s’étaient accumulés, la plupart insolubles. Le téléphone saturé. Le chef de service de mauvaise humeur. Le chauffage en panne, tout comme la machine à café.

    Au moment où elle referme la porte sur cette journée calamiteuse, une libellule plane devant elle et se pose sur la jardinière du bar voisin. Elle n’en a jamais vue d’aussi grande, aussi gracieuse, aussi colorée. Des nuances de mauve, de bleu, de rose, se mêlent au vert habituel des ailes diaphanes. Vite une photo. Elle fouille en vain le fond de son sac, en renverse le contenu dans l’herbe, entend un rire moqueur, lève les yeux sans voir personne. Derrière l’arbre peut-être. L’arbre ? Il y avait un chêne sur la place ? Elle n’y avait jamais prêté attention, pensant plutôt à un petit olivier. Et l’herbe ? Là, elle se rappelle bien des pavés irréguliers. Elle s’y était même tordu un pied. Ils auraient donc décidé de végétaliser la ville ! Arrivée en courant ce matin, elle n’avait pas regardé autour d’elle. La rue qu’elle emprunte maintenant est devenue chemin de terre bordé d’arbustes et de plantes sauvages. La libellule  y semble à son aise, voletant de fleur en fleur.  Tout au bout : la mer. Le bouleversement climatique s’est-il brutalement accéléré, pour avoir effacé la bande côtière ? « Par ici » entend-elle : une petite voix tombée du mat d’un bateau. Là-haut, la libellule lui fait signe en battant doucement des ailes. Sur le pont, chats, chiens, lapins, écureuils, sont à la manoeuvre. Deux ratons laveurs nettoient la proue, révélant le nom écrit en lettres multicolores : « La belle vie ». Elle embarque sans plus s’interroger. 

     

    Les cinq sens et les plaisirs du corps : le toucher 

     

    Agréable

    Il la soulève, la couche sur la table, la foule à pleines mains, la redresse, enfonce ses doigts dans la fraîcheur humide, encercle la taille, palpe les hanches, le ventre, presse délicatement un sein puis l’autre, laisse errer sa paume sur ces formes rondes, ce grain lisse et soyeux, entoure le visage de ses deux mains en coupe, caresse du pouce les paupières closes. Il saisit un drap humide pour la recouvrir. Demain, il modèlera les cheveux.

     

    Désagréable

    Premières pluies après la sécheresse de l’été, chemin détrempé. A la cave, les vieux sabots abandonnés depuis le printemps. Premier contact dur et froid du bois et du cuir contre le pied nu qui s’enfonce avec précaution. Au bout, une masse élastique se tasse sous la pression. Vieille chaussette oubliée ? Le pied recule, se pose sur le sol granuleux pendant que la main avance, saisit, extirpe cette douceur trompeuse : une souris en décomposition.

     

    Les sons

     

    Emotion provoquée par une musique

    -  Ouh là, ça craint ! 

    Nicolas se penche pour tourner vivement le bouton de l’auto-radio et soupire de soulagement au déferlement de sons suivant.

    -   Non, non, reviens à la station précédente. 

    Nouveau soupir, exaspéré cette fois, mais retour de la voix suave. Pas besoin de fermer les yeux (surtout au volant) pour me retrouver dans le café miteux dont nous sommes les seuls clients. Il vient de glisser une pièce dans le juke-box, me tend la main, m’enlace. Ce n’est plus contre le volant que je me serre, mains tremblantes, jambes qui se dérobent, cœur battant la chamade comme si je sentais encore sa joue douce et chaude contre la mienne, ses cheveux longs qui effleurent mon front. Je peux même respirer son Eau de Cologne qui m’imprègne tout entière. « Elles te feront un blanc manteau, les neiges du Kilimanjaro, elles te feront… où tu pourras dormir, dormir, bientôt ».

    -  Waah ! tu vas pas t’endormir sur ce truc ringard, hein, ça va bien la nostalgie ! C’était papa, au moins ? 

     

     

     


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  • Un peu dans le désordre, des textes que j'avais omis de copier dans ce blog

    Le roman familial : un personnage

     

    Ses yeux bleus pouvaient prendre des tons de tendre porcelaine ou la noirceur de l’orage. Il pouvait être câlin, rieur, ou tellement refermé qu’on osait à peine lever les yeux sur lui, encore moins lui adresser la parole. Si cela devait tout de même se produire pour les nécessités professionnelles ou domestiques, aucun son articulé ne sortait de sa bouche pincée. A peine un grognement ou un signe de tête derrière le comptoir,  lorsque ma mère se hasardait à demander si la commande réclamée par Untel était arrivée ou, à table, s’il reprendrait des pommes de terre.

    Enfant, je l’ai adoré. Adolescente, je l’ai haï. Aujourd’hui, je le pleure.

     

    Roman familial : une époque

     

    On l’avait déposée devant le haut portail de l’école, dans son tablier à carreaux roses et blancs boutonné dans le dos. La force d’une main inconnue l’avait arrachée à la main de sa mère et tirée dans la cour. Au milieu de la marée d’enfants qui couraient et se bousculaient en criant, elle se cramponnait comme une naufragée à la poignée de son cartable imitation cuir. A ce moment-là, elle oubliait pourtant les trésors qu’il contenait. Le cahier vert et son buvard à l’enseigne d’une marque de chocolat, le plumier de bois décoré de fleurs et dont le couvercle tournait sur lui-même pour découvrir une gomme rose et bleue, un crayon rouge, un taille-crayon en forme de chien, et le plus beau de tout : un long porte-plumes de bakélite claire muni d’une minuscule loupe. Y poser l’œil permettait de voir un bateau sur la mer. C’était sans doute cela qui avait fini par lui faire accepter de prendre le chemin de l’école. La dame de la papeterie avait étalé sur son comptoir un assortiment d’outils d’écoliers multicolores et annoncé d’un air émerveillé : « du plastique ! les enfants de maintenant ont bien de la chance !».  Avec un sourire prometteur, elle avait ensuite échafaudé pour la fillette un projet d’avenir intéressant : «  Quand tu sauras écrire, tu pourras avoir aussi cela… » D’un tiroir caché sous la caisse, elle avait sorti une boîte dans laquelle étaient alignés des sortes de crayons translucides qui laissaient entrevoir en leur milieu de fins tubes bleus ou rouges. Elle avait alors tracé avec l’un d’eux des gribouillis sur une feuille et invité la petite fille à faire de même : les traits avaient l’air de courir tout seuls, sans avoir besoin de tremper la plume dans l’encrier, comme elle redoutait d’avoir à le faire. «  Cela s’appelle un stylo-bille, c’est tout nouveau, et avec ça, on ne fait plus de pâtés » avait dit la dame en la regardant d’un air supérieur. Des pâtés ? Pourtant, elle aimait bien en faire sur la plage. C’est encore loin, la mer ?

     

    Autour d’un tableau de Hopper

     

     C’est quoi la fin d’après-midi ? Le soleil se prépare déjà à disparaître derrière la maison d’en face,  les murs prennent des tons dorés, le vent du soir commence à soulever le rideau de la fenêtre et les plis de ma robe. De l’intérieur, grand-mère vient de crier que le pilier du porche est fatigué de me soutenir et que mes jambes vont bientôt prendre racine. Cette fois-ci pourtant, je suis sûre qu’il va surgir dans sa voiture décapotable, sauter souplement par dessus la portière, me serrer longuement dans ses bras, chercher la fraîcheur de ma bouche.

    Il ne m’emmènera pas dans l’un de ces cafés où des hommes et des femmes noient leur solitude sous des néons blafards, ni dans  l’une de ces chambres où les draps semblent des suaires, pas même dans l’une de ces maisons plantée au milieu de nulle part.

     

    Ensemble, nous fuirons l’univers hopperien. 

     

     

     

     

     

    Déchirures (en fragments)

     

    Minuscule poupée blonde, boule de douceur serrée contre moi sur la balançoire de notre enfance. 

    Balançoire abandonnée, cassée, rouillée, jetée.

     

    Enfants en maillot jouant avec les vagues. Adolescentes rieuses, fières de leur robe gonflante et de leurs cheveux crêpés. Couple enlacé, tendres regards.

    Clichés jaunis, pages écornées, arrachées, perdues. Photo déchirée en son milieu : la mariée reste seule à sourire dans ses voiles.

     

    Yeux clos, lit de fleurs blanches. Plus jamais les rires, les chuchotements, les confidences, les promesses, les partages. Plus jamais l’enfance. Plus jamais la vie.

     

    Au cabanon

     

    Depuis la restanque supérieure qui flanque la modeste maison chargée d’années et de souvenirs, la vue sur le vert massif de la Sainte Baume se faufile à travers un épais fouillis végétal. Hautes herbes ondulant sous la brise, amandiers croulant sous les coques encore fraîches, chênes à la ramure dévorée de soleil. Dans le grand pin, une cigale lance une première trille, bientôt suivie par une autre, et une autre encore. Brève répétition avant les symphonies du plein été. Le silence rétabli est aussitôt habité par un lointain appel de coucou et, plus proche, un puissant bourdonnement. Des parois éventrées d’un meuble abandonné monte le halo de centaines de particules lumineuses se croisant dans un désordre frénétique. Si on y regardait de plus près… Mais non, mieux vaut passer discrètement son chemin, ça pique. 

     

    Un visiteur au cabanon

     

    Assis au bord de la restanque comme il l’a toujours fait, Victor surveille l’entrée. Depuis combien de temps ne s’étaient-ils pas revus ?  Il finit par se lever et s’approche lentement du portillon. Plaisir de fouler l’allée récemment débroussaillée, craquante d’herbe sèche et d’aiguilles de pins. Souvenir des cavalcades d’enfance et d’interdits délicieux à transgresser : ne pas franchir la clôture, ne pas grimper dans le gros chêne, ne pas aboyer pour taquiner le chien du voisin. Le chien est mort depuis longtemps et il est maintenant bien vieux, l’ancien voisin. Aujourd’hui, il a quitté sa maison de retraite, s’est fait déposer par son fils un peu plus bas pour le plaisir de faire seul la dernière montée. Il n’aurait pas dû. Ce n’est pas les jambes qui lui manquent, non, c’est la douceur du passé. La colline et ses murets de pierres sèches colonisés par des villas sans âme. Les genêts qui illuminaient le chemin, remplacés par des grillages, des haies taillées au carré. La terre et les pierres recouvertes par un noir bitume. Les écureuils qui sautaient d’arbre en arbre désormais chassés par les voitures et les chiens qui hurlent méchamment dans chaque propriété. 

    Pourtant, une fois poussé le vieux portillon à peine plus vermoulu qu’antan, la magnificence intacte de la colline s’offre à lui. Au fond de l’allée, le même cabanon, son toit de tuiles moussues, la porte ouverte sur la fraîcheur de la cuisine. Et la chaleureuse accolade de son vieil ami, la voix émue.  « Allez Pierrot, on va boire l’apéro ».

     

     


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  • Dans le cadre du "récit familial", écrire à la troisième personne du singulier et au passé une scène qui marque son époque à travers des objets, évènements et sentiments.

     

          Elle regardait maintenant l’immense portail entrouvert surmonté du nom « Ecole Communale ». D’autres enfants accompagnés d’un adulte, tous à pieds bien sûr, (il était inimaginable que même ceux qui avaient une voiture la prennent pour circuler dans le même quartier), convergeaient vers l’austère bâtiment de pierre grise aux fenêtres grillagées. Une femme à lunettes, au petit chignon serré sur la nuque, guidait au fur et à mesure vers le seuil  les bambins vêtus de tabliers roses, bleus, unis ou à carreaux. Pour se laisser pousser de l’autre côté, Martine avait dû lâcher sa mère et se cramponnait au petit cartable de cuir fauve qu’elle lui avait mis entre les mains avant de l’embrasser rapidement et de faire demi-tour.

          Arrivée en plein inconnu dans un espace entouré de murs, au milieu de la bousculade, des cris et des pleurs, la petite fille n’avait qu’une idée: repartir. Mais en haut du perron, une dame tirait sur la chaîne de la cloche, et le son strident avait suspendu le tumulte de la cour. Des maîtresses faisaient mettre filles et garçons sur des rangs distincts, en leur interdisant, front plissé et doigt posé sur la bouche, de parler, de pleurer ou de rire. Derrière deux longues nattes blondes sur un tablier fermé dans le dos par des boutons, poussée par une autre qui lui donnait des coups derrière les chaussures, Martine se trouva propulsée dans une salle, se laissa choir sur un banc à sa mesure et posa le précieux  cartable sur une table de bois inclinée, en haut de laquelle un récipient de porcelaine blanche contenait un liquide violet.

      Elle essuya ses larmes et son nez sur sa manche recouverte de tissu plus foncé maintenu par deux élastiques, et entreprit d’explorer les trésors qui lui étaient compensation : un cahier et son buvard orné d’une plaque de chocolat Menier, un plumier de bois au couvercle coulissant décoré de décalcomanies de fleurs, dans lequel elle avait rangé un porte-plume en os, un crayon à la mine pointue, une gomme bleue et rose, une règle verte, un taille-crayon rouge et un drôle de bonhomme  jaune avec deux longues jambes et une toute petite tête, que sa mère avait appelé compas. Pour la laisser choisir, la marchande avait étalé sur le comptoir toute une série de petits outils multicolore pour écoliers, en disant que cette matière qu’on appelait le plastique permettait maintenant de faire des objets plus gais qu’avant. Elle avait alors eu une réflexion sur la guerre et les restrictions qui avaient encore suivies; elle avait soupiré de soulagement en disant qu’on en était enfin sortis et que les temps étaient à la nouveauté. Elle avait encore parlé de machine à laver et d’aspirateur, mais Martine n’écoutait plus : elle regardait une boîte que venait de sortir la dame d’un tiroir placé sous la caisse enregistreuse. Des tubes transparents à facettes y étaient alignés, à l’intérieur desquels on apercevait un mince tuyau bleu. La marchande avait pris en main l’un de ces drôles de crayons pour montrer la minuscule bille que l’on pouvait faire tourner à l’extrémité, et avait tracé des gribouillis sur une feuille. « Quand tu sauras bien écrire, tu pourras demander à tes parents de t’en acheter, ça vient de sortir, mais bientôt, tout le monde en aura un; ça s’appelle un stylo-bille ou une pointe bic ». Elle avait aussi ajouté d’un air complice « avec ça, tu ne risqueras plus de faire des pâtés ». 

          Plus de pâtés ? Pourquoi ? Martine aimait  pourtant bien faire des pâtés de sable pendant les vacances, elle aimait mieux ça que de se baigner dans l’eau froide avec la grosse bouée en caoutchouc noir, elle aimait mieux ça que d’aller grimper à l’échelle ou faire le lapin au Club Mickey dans son maillot de bain tricoté qui descendait toujours, elle aimait mieux ça que… d’aller à l’école. Pourquoi les enfants sont-ils toujours obligés d’obéir aux grands ? Vivement qu’elle soit grande à son tour.


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  • À la manière de Sei Shônagon dans ses Notes de chevet, nous écrivons "Les choses qui..."

    Les Notes de chevet (枕草子, Makura no sōshi?) est une œuvre majeure de la littérature japonaise du XIe siècle, attribuée à Sei Shōnagon dame de compagnie de l'impératrice consort Teishi (定子) durant les années 990 et au début du XIe siècle de l'époque de Heian.

    Wikipédia

    • Les choses qui frappent de stupeur

    Le vide qui se répand dans la tête lorsqu’il faut écrire sur la stupeur ; pas d’image ni d’idée comme si la stupeur n’a pas laissé d’empreinte dans le cerveau.

    • Les choses qui distraient des moments d'ennui

    -Un bon roman policier pas trop noir ni trop glauque
    -S’allonger sous un arbre et observer la lumière qui passe à travers les branches et les feuilles puis percevoir l’ombre qui s’y dessine faisant apparaitre par transparence le contact des feuilles entre elles.
    -Regarder un film de romance bien américain où on devine la fin dès les premières images.
    -Ranger les placards , trier les vêtements et les papiers pour y voir plus clair
    -Dessiner des objets qui habitent l’environnement immédiat
    -Imaginer une histoire drôle en grignotant un carreau de chocolat

    • Les choses qui semblent vulgaires

    -Les mots grossiers qui sortent de la bouche quand on est très en colère mais qui soulagent tellement la pression intérieure.
    -Le langage criard et la tenue vestimentaire délurée des personnes sans gêne et envahissantes.

    • Les choses qui ne servent plus à rien mais qui rappellent le passé

    -Des enrouleurs de tuyaux qui viennent du jardin de mon père et sont à la retraite dans le mien.
    -Des tableaux peints par ma mère et remisés au fond d’un placard
    -Des tissus exotiques ramenés d’un voyage qui attendent depuis des lustres au fond d’une malle
    -Des chutes de bois récupérés lors de travaux stockés derrière le cyprès profitant du soleil, du vent et de la pluie.
    -Des bacs à fleur en bois confectionnés avec dextérité par mon mari qui finissent vides et perdus dans les recoins du jardin.

    • Les choses qui font voir la vie en rose

    -Un repas simple aux multiples saveurs partagé avec mon compagnon
    -Des semis qui sortent de terre, poussent et finissent par fleurir
    -Une bonne pluie en plein été
    -L’odeur d’iode de la mer à l’approche de la côte
    -Le miaulement du chat le matin quand on ouvre les volets.

    Suzanne


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  • À la manière de Sei Shônagon dans ses Notes de chevet, nous écrivons "Les choses qui..."

    Les Notes de chevet (枕草子, Makura no sōshi?) est une œuvre majeure de la littérature japonaise du XIe siècle, attribuée à Sei Shōnagon dame de compagnie de l'impératrice consort Teishi (定子) durant les années 990 et au début du XIe siècle de l'époque de Heian.

    Wikipédia

     

     

    • Les choses qui frappent de stupeur

    Quand on lui parle ses yeux bougent. J'ai fini par comprendre : elle a un compteur dans la tête. 5-7-5. Elle compte tout en pieds et décompose : 2 phonèmes, 1 phonème et 2 phonèmes égalent 5 pieds pour un premier vers. 3 puis 1 puis 3 égalent 7. 7 pieds. Deuxième vers. 2 puis 1 puis 2 égalent 5 à nouveau. Troisième vers. Tout son univers est Aïku.

    On est en juillet. Je dois demander au voisin si les travaux au brise roche vont durer tout l'été. Justement le voilà qui discute derrière le grillage.
    - Bonjour, excusez-moi. Vous...
    -Vous ne voyez pas que je suis occupé ! Aboie-t-il

    Lorsque je rends visite à Marie-Christine à mon retour de vacances, je reconnais dans sa chambre sur le dossier de sa chaise la chemise de mon mari.

     

    • Les choses qui distraient des moments d'ennui

    Fuir cette soirée et partir seule sur la plage. Songer à retourner à cette soirée, peut-être.

    Je ne m'ennuie jamais. Est-ce que l'ennui me distrairait ?

    Accrocher le tableau de l'entrée à l'envers. L'occasion pour lui de dire autre chose et de manifester sa rébellion face au dictât de l'artiste.

    Commander des pizzas ce soir et éviter de contempler les brocolis dans le tiroir du réfrigérateur vide.

    Prendre mon Calepin et écrire R-I-E-N

     

    • Les choses qui semblent pures

    Elle dort profondément, la joue appuyée sur l'oreiller, une petite auréole humide au coin des lèvres entr'ouvertes.

    Tous les muscles bandés il saute comme un cabri d'un rocher à l'autre au dessus du torrent bouillonnant, tendu vers le ciel.

    La ligne de partage entre falaise et prairie mangées par la brume, occupée par le chamois.

    Le lever du soleil en pleine mer sur l'horizon au moment où tout est fondu dans la lumière indécise. C'est fugace. Très vite la chaleur nous écrase.

     

    • Les choses vulgaires
    C'est comme l'ennui, il faut vraiment chercher. Ma voisine, celle dont le mari aboie,
    pomponnée zumba, qui gaspille l'eau potable chaque matin pour laver sa terrasse sous les pins, avec son mobilier d'extérieur en caoutchouc orange vif, ça c'est le crocodile, et argenté, les poufs énormes.

    Le chasseur tire en l'air. Il crie « j'en ai marre de vos promenades à cheval là où je chasse ! Tirez-vous ! » « Mais vous chassez quoi, bon sang, dans cette pampa ? » Il est 17 heures. « eh bien, les palombes ! » En colère il fouille sa besace et jette deux pigeons à nos pieds.

     

    • Les choses qui ne servent plus à rien mais qui rappellent le passé

    Dans ma chambre il y a un carton. Dans le carton de la laine en pelotes. Les pelotes sentent le mouton. Les couleurs chaudes sont naturelles : écorces, racines, cochenille. Pas un ver. Sous les pelotes se trouvent les outils en bois qui font passer la laine d'écheveaux à pelote. Les enfants grandissent trop vite.

    Ma copine part au canada début novembre. Je lui prête ma vieille doudoune Jamet orange. Elle sent l'odeur de fioul de l'ancien bateau où elle a séjourné plus de vingt ans dans le placard à cirés.

     

    • Les choses qui font rire

    Vous connaissez l'histoire des trois petites chattes sur la route ?
    Il y a une flaque. La première y met la patte, une voiture passe, l'écrase. La deuxième y met deux pattes. Une voiture passe. Écrasée la petite chatte. La troisième s'y roule, une voiture passe qui l'écrase.
    Devant Saint Pierre assisté de Saint Chose et Saint Truc, elles sont jugées :
    -1/ pauvre petite chatte ! Tu n'as rien fait de mal. C'est le paradis pour toi.
    -2/ pauvre petite chatte ! Tu n'as rien fait de mal. Tu vas au paradis.
    -3/ pauvre petite chatte, tu...AH ! Tu t'es roulée dans la flaque ? Tu vas en enfer.
    Plus les chattes sont mouillées, et plus les saints sont durs.

    Françoise V.


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  • À la manière de Sei Shônagon dans ses Notes de chevet, nous écrivons "Les choses qui..."

    Les Notes de chevet (枕草子, Makura no sōshi?) est une œuvre majeure de la littérature japonaise du XIe siècle, attribuée à Sei Shōnagon dame de compagnie de l'impératrice consort Teishi (定子) durant les années 990 et au début du XIe siècle de l'époque de Heian.

    Wikipédia

     

    • Les choses qui frappent de stupeur

    Le regard tranquille de l’homme qui ment sans vergogne.
    Le terrain vague couvert d’immondices où jouent deux enfants, devant une cabane de planches.
    Le prix des vêtements exposés dans une vitrine de la rue Georges V à Paris.
    Le revenu moyen des Malgaches.

    • Les choses qui distraient des moments d'ennui

    Un chat qui joue avec un oiseau qu’il vient d’attraper.
    La visite d’un ami.
    L’appel d’un téléopérateur auquel vous essayez de vendre quelque chose jusqu’à ce qu’il raccroche.
    Regarder par la fenêtre la sortie d’un lycée de jeunes filles.
    Rechercher sur le Web des nouvelles des amis perdus de vue. 

    • Les choses qui semblent pures

    La chemise qui vient d’être repassée.
    Un ciel d’hiver après quelques jours de mistral.
    L’eau qui sort d’une fissure au pied de la falaise.
    Le pastis dans le verre, avant qu’on y verse l’eau et qu’on y plonge un glaçon.

    • Les choses vulgaires

    Un pet de nonne.
    Un cigare éteint à la bouche d’un gros homme en costume dans la salle d’embarquement d’un aéroport.
    Un verre empli de vin à ras bord.

    • Les choses qui ne servent plus à rien mais qui rappellent le passé

    Un jeton pour un manège disparu.
    La montre à gousset de son grand-père arrêtée à l’heure de sa mort.
    Le billet pour un vieux match de football.
    Une disque 78 tours.
    De longues rognures d’ongles.

    • Choses qui sont agréables en voyage

    Une maison sombre dans un paysage vide ; on entre, la pièce est chaude, un feu brûle dans la cheminée, jetant des lueurs mouvantes sur les murs, une odeur agréable arrive d’une faitout posé près du feu.
    Un étal dans un coin de marché où l’on sert des limaçons dans des verres en plastique sans couleur.
    Une route qui s’enfonce dans la montagne et semble ne jamais devoir finir.

    Jean-Paul

     


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  •  Descendre deux marches recouvertes de tomettes rouges pour traverser un mur crépi blanc cassé, pénétrer dans l’antre de la cuisine ; La lumière peine à entrer par la fenêtre à petits carreaux. En bas des marches, un frigidaire attend qu’on l’ouvre. A côté sur une cuisinière à gaz de récupération mijote une ratatouille dont les effluves se répandent dans cet espace réduit. Un évier haut perché donne des crampes à celle qui fait la vaisselle ; seul le propriétaire est à l’aise mais il vit à l’autre bout de la terre. En face de l’évier des placards rouges et blancs donnent un peu de gaité à cette ambiance vieillotte. Impossible d’y être à deux, l’espace au sol permet juste de faire un demi-tour sur soi pour passer des placards à l’évier.

    La locataire des lieux s’est bien adaptée à ce recoin. La vue par la fenêtre s’ouvre sur les collines et même jusqu’à l’autre bout d’Aubagne. Elle vit seule en haut de sa colline en compagnie de Mélusine aux longs poils et aux yeux verts, une sauvageonne qu’elle a accueillie et qui ronronne sur son lit. Toutes les souris ont disparu de la maison, elles ne se cacheront plus sous l’aspirateur, Mélusine a fait son office.

    Quand viennent la famille ou les amis, chacun officie à tour de rôle dans la cuisine : les plus petits sont exemptés de vaisselle, les plus souples rangent les assiettes, les plus grands les verres, les plus courageux utilisent le four à gaz d’une autre époque.

    Mais cette cuisine est l’objet d’un procès avec les voisins. Son mur extérieur est trop ou pas assez éloigné de la bordure extérieure du terrain. Alors que d’encre coulée et de paroles blessantes échangées devant les tribunaux. Le litige dure depuis vingt ans. Les relations de voisinage sont compliquées. Deux clans se dressent l’un contre l’autre : parents, enfants, petits-enfants des deux cotés se parlent par obligation mais c’est tendu.

    Et la locataire dans cet imbroglio, elle se sent bien coincée, elle qui ne rêve que d’entente.

    Dans la colline il n’y a pas de clôture, mieux vaut donc connaître les délimitations à travers chaque arbuste pour ne pas déclencher d’histoires.

    Un jour, la locataire sent la fumée de broussaille. Elle découvre un début d’incendie à la lisière du terrain chez les voisins, à deux pas de sa maison. Les inconséquents ont commencé à nettoyer leur terrain mais n’ont pas contrôlé leurs brulis. Elle va vite sonner chez eux pour les avertir. Avec efficacité et rapidité elle les aide à éteindre ce feu avant qu’il ne prenne trop d’extension. Ouf ! Tout finit bien sans l’aide des pompiers. Fière d’avoir pu dépasser sa terreur des incendies de pinède, la locataire raconte son exploit aux propriétaires. Loin de la féliciter ces derniers lui reprochent de ne pas avoir appelé les pompiers. Cela aurait permis de verbaliser ces voisins indélicats. La locataire se tut et garda pour elle sa réflexion. Elle avait sauvé la maison et la colline. Avec les pompiers les dégâts auraient été bien plus importants. Ce litige embrouille les cerveaux même des gens intelligents !

     

    Suzanne


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  • Je m’appelle Victor, je suis haï de tous.

    Du plus loin que je me souvienne, on me regarde de haut. Je suis le moins que rien, celui qui n’a jamais son mot à dire, la dernière roue de la charrette.

    N’ayant jamais connu mon père, je fus élevé par ma mère avec mes frères et sœurs. Passés les jeux de la prime enfance, chacun n’a rapidement plus pensé qu’à soi et personne ne s’est plus occupé de moi. Nous avions tous trop affaire à tenter de survivre dans des conditions que vous auriez du mal à imaginer.

    Ma chance, ou du moins ce que je crus sur le moment en être une, fut d’être placé dans une famille d’accueil. Une histoire classique, couple sans enfant et n’en pouvant point avoir. Ils me reçurent comme le messie, la dernière merveille du monde, s’enthousiasmant à chacune de mes facéties, me nourrissant comme jamais je ne l’avais été, me prodiguant caresses sur caresses. Ils n’auraient pas mieux traité leur propre fils.

    Mais l’enthousiasme des débuts finit par s’étioler. Mes bêtises les amusèrent de moins en moins, les lassèrent  puis les contrarièrent. Je vis durcir leur regard et les caresses s’espacer. Je grandissais, j’étais moins drôle. Il est vrai que je ne répondais pas toujours à leurs attentes, que la propreté n’était pas mon fort et que je réussissais dans rien de ce qu’ils tentèrent de m’apprendre. Je devins le gêneur, j’étais plus une contrainte qu’une satisfaction.

    Alors je me dis qu’il faudrait en finir.

    Pourquoi s’acharner à retrouver l’amour perdu ? Il en va pour lui comme pour nous :  ce qui est mort ne peut renaître.

    L’adolescence n’est pas un âge facile, tout le monde en convient. Mais les adultes ont tendance à penser que les difficultés sont pour eux quand les jeunes vivent souvent un calvaire. C’était mon cas. J’avais besoin d’espace, de liberté ; je ne pouvais plus rester entre les quatre murs d’une maison. Je décidai de partir.

    Dehors, tout m’attirait. Je visitai le monde, ou du moins un monde à mon échelle, errant dans la ville, allant de rencontre en rencontre. Je m’acoquinai avec quelques uns de mes semblables. Ensemble, nous étions plus forts pour survivre dans la rue. Nous défendions le territoire que nous nous étions arrogé et plus d’un s’en repartit en sang et la queue basse après une tentative d’approche promptement réprimée.

    Mais la rue n’est pas tendre et là aussi je devins le souffre-douleur de mes compagnons. Pour une raison que j’ignore, mais sans doute n’en était-il pas même besoin, ils commencèrent à me montrer les dents avant de m’exclure définitivement de la bande.

    Aujourd’hui, les années m’ont rattrapé, le manque de soins a fait de moi une épave. Je parviens tout juste encore à échapper aux tournées des gens bien intentionnés qui voudraient me tirer de là pour me placer dans des lieux qui seraient, je le sais, des mouroirs. Ce n’est pas l’amour que je lis dans leurs yeux aussi préféré-je les fuir et me terrer dans un coin dont aucun chien ne voudrait et où personne ne viendrait me chercher. Pourtant, moi aussi j’aurais droit à un peu de bonheur.

    Je ne suis pas un chien !


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  •  

    Récit autour de trois phrases :

               

     

    -       En commençant : « Je m’appelle Victor, je suis haï de tous »

     

    -       Au milieu du récit : « Je me dis qu’il faudrait en finir »

     

    -       En terminant : « à présent, il est trop  tard »

     

     

     

     

    « Je m’appelle Victor, je suis haï de tous ». Ce prénom que je n’ai pas choisi, m’a été infligé, il s’est imposé à moi ; j’en voulais à mes parents et j’ai rapidement pensé qu’ils ne m’aimaient pas.

     

    La nature ne m’a pas gâté ; je suis affligé d’une difformité du pied appelée « pied bot ». Mon enfance a été différente de celle des autres enfants. Je regardais mes frères courir, je ne pouvais participer  à leurs jeux et me faisais traiter de traînard. Je ne voulais pas leur imposer ma lourdeur et je restais souvent seul.

     

    Mes parents me trouvaient lent, trop lent pour accomplir les gestes quotidiens ; ils m’aidaient bien mais souhaitaient me voir me débrouiller pour m’assurer un avenir qu’ils prévoyaient  douloureux pour moi.

     

    Je souffrais terriblement moralement. A l’école, mes camarades se moquaient de moi.  La  maîtresse  pas  toujours  compréhensive,  était sans pitié ; j’entendais ses sarcasmes que je jugeais déplacés malgré mon jeune âge.

     

    J’ai grandi dans l’incompréhension étant bien persuadé que personne ne m’aimait. Le soir, je pleurais dans mon lit. Ma mère que je jugeais sévèrement  me priais de cesser les sanglots que je ne pouvais retenir, afin de ne pas réveiller la maisonnée.

     

    Je trouvais un léger réconfort auprès de ma grand-mère que je  voyais  peu à mon gré et qui me disait qu’elle m’aimait bien et que j’étais un bon garçon. Puis, je retournais  à  mon chagrin qui ne me quittait plus.

     

    Je suis devenu un grand adolescent que la vie continue de blesser. J’entends les conversations de mes parents avec les médecins ; comment jugent-ils mon cas ? Peuvent-ils quelque chose pour moi ?

     

    Au centre de formation où je suis apprenti, je suis parfois traité de bon à rien sans  ménagement ; pourtant, mon cerveau fonctionne bien. Que vais-je devenir ? Conscient de mon handicap,  j e me dis qu’il faudrait en finir.

     

                Cependant, je ne veux pas mourir ! Je suis décidé à m’en sortir. J’en fait part à mes parents qui,  maintes fois,  m’ont parlé d’opération Les médecins à nouveau consultés me laissèrent quelques espoirs. D’examens  en examens, je reprenais confiance dans un avenir qui me ferait oublier les vicissitudes passées.

     

                Le jour du grand oral  est arrivé ; le verdit terrifiant  est  tombé  par la voix du chirurgien: à présent, il est trop tard !

     

     

     

    Bernadette   -   15  mars  2018

     

     

     


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  •  Description de la photo,  vue par un narrateur

     

    La salle à manger n’a pas changé, même rideau, même tableau, le décor est peu visible,  cependant aujourd’hui, elle paraît plus lumineuse.  Bien sûr,  c’est la fête. La jeune fille habillée d’une toilette blanche est radieuse, elle a vingt ans. L’âge de toutes les espérances. Peut-être  ses pensées vont vers un beau jeune homme qu’elle n’a pas encore présenté. 

    À ses côtés, son père a l’air plus grave,  songeur, peut-être déplore-t-il une enfance  passée trop rapidement,  mais il paraît heureux.  Il a revêtu  une tenue stricte où la cravate ne perd jamais ses droits.

     

    Sa maman qui  a quitté  la famille quelques années plus tard est tout à sa joie. Derrière elle, les deux jeunes femmes de la famille, souriantes, attendent l’arrivée de leurs époux.

     

    Le petit Bernard, juché sur une chaise est tout à son aise de se voir tout à coup  aussi grand que sa cousine  et fier d’être à côté de sa marraine.

     

    L’oncle Étienne tenant  sa petite fille sur ses genoux, cherche du regard son épouse qui n’en finit pas de faire la causette avec ses neveux.

     

    Je pense qu’il est temps de passer à table,  dis-je,  sans quoi les bougies allumées vont se consumer, ce serait dommage !

     

    J’imagine les pensées de chacun des participants, toutes positives, profitant de ces instants  où il n’y a pas de place pour la morosité.

     

     Je ne pense qu’au moment présent, savourant ces instants magiques qui voient se rassembler les personnages qui me sont chers, qui me font confiance ! Mon appareil est prêt, il ne s’agit pas de louper la photo !

     

     

     

     

     Bernadette  -  8 février 2018


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  • UNE PHOTO

     

    Elle doit avoir cinq ans. Elle a, dans les bras, un gros bouquet de lilas d’Espagne .

    Elle est assise sur son petit vélo. Elle ne perdra pas l’équilibre : « les petites roues , de chaque côté de la roue arrière, permettent aux débutants de se familiariser avec la pratique : on les enlèvera bientôt.

    Elle est habillée d’un tablier en vichy.

    Les chaussures, fermées, montantes, sont en cuir, solides.

    Derrière elle, la 301 Peugeot est bien garée devant la citerne, pas loin de la porte d’entrée : il devait y avoir des paquets à décharger.

    Du linge est étendu sur les arbustes  bordant le sentier qui monte dans la colline.

    Le décor est flou : la mise au point au Zeiss-Ikon  permet, ainsi, de mettre en relief, le personnage au premier plan :  le papa, photographe amateur de talent, prépare, suivant la situation, mise en scène et décor.

    On peut observer les détails : le tablier,  cousu par la grand mère : il est bien court ; il doit être de l’année dernière. Quand un vêtement  était usé ou devenait un peu trop court, on disait : «  ce sera pour le cabanon. »

    Les chaussures, achetées chez la cousine Andréa, qui avait son magasin au centre du village,  sont un peu râpées, mais de cette année : le pied grandit trop vite.

     

    Elle est fière, la petite fille. Elle sourit : son papa fera un agrandissement s’il est satisfait.


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  •  

    Description d'une photo mémorisée

     

    À  N.D. de la Garde, devant la balustrade de la terrasse, ils posaient tous les deux.

    Lui, en costume clair, chemise blanche, cravate colorée, coiffé d’un chapeau mou,  se tenait debout.

     

    Elle, à ses côtés,  prenait la pose,  vêtue d’un ensemble bicolore confectionné par ses soins, modeste mais chic. Une capeline légère, garnie de fleurs en tissu masquait légèrement son visage. Sur ses épaules, un renard argenté  complétait sa toilette. Des gants d’une grande finesse couvraient ses mains et leurs petites collerettes fines enveloppaient ses poignets. Ses chaussures blanches à petits talons la rehaussaient un peu. En partie caché, mais visible,  un petit sac à main.

     

     

     

    Le photographe avait sûrement pris du recul pour saisir tous les détails de ce portrait.

     


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     Souvenirs d’enfance

     

     

     

                Après le tram, le trolleybus, c’est à pied que nous devions rejoindre la campagne.

     

                Nous faisions une première halte dans le village, chez l’oncle Étienne. Tante Andréa préparait un bon café, moi j’avais droit au chocolat chaud et ces odeurs mêlées, embaumaient la cuisine.  Puis, nous allions à la « remise » qui était l’ancienne écurie où grand-père, autrefois,  abritait son petit âne. Malgré les années passées, une bonne odeur de foin persistait encore.  Papa s’emparait de la brouette chargée de cageots où il m’aménageait une petite place.

     

                Passé le village, déjà nous respirions mieux. L’air était léger, les senteurs printanières s’exhalaient. Tout sentait bon. La terre humide pas encore  craquelée,  le foin coupé séchant au soleil, les roses trémières  le long de la route.

     

                Devant le cabanon, le jasmin comme chaque année avait envahi la façade qu’il partageait avec un superbe rosier, cela donnait un magnifique mélange de senteurs digne d’un grand parfumeur.

     

                Mes parents cueillaient les premières cerises. Je parais mes oreilles de coquets « pendants » que je dévorais aussitôt.

     

                J’observais toutes ses merveilles autour de moi. Par la cheminée du cabanon, des volutes de fumée bleue laissaient échapper une odeur de sarments de vignes qui  brûlaient  révélant les prémices d’une grillade savoureuse  qui se préparait.

     

                Puis sur les braises rougies, cuisaient les tomates dites à la  « provençale » libérant les saveurs de l’ail et du persil, de l’huile d’olive. Enfin, l’odeur  des   côtelettes de mouton avec leur semis de thym emplissait à son tour le petit cabanon.

     

     

     

                Je  n’ai jamais oublié ces odeurs.  Peut-être parce qu’elles libèrent aussi les souvenirs d’une enfance heureuse où les petits bonheurs fleurissaient chaque jour.

     

     

     


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    Souvenirs d’enfance à Gémenos

     

     

                Elle était située au centre du village. Grand-mère et grand-père l’occupaient encore ; le magasin « chaussures et mercerie » au rez-de-chaussée était tenu par mes oncle et tante.

     

                Chaque dimanche j’y retrouvais mon cousin Jo,  de quatre ans mon aîné,  qui  m’entraînait dans les petites rues où nous pouvions courir en toute liberté. Mais le jeu qui nous amusait le plus était celui qui consistait en une course poursuite dans les escaliers de la maison jusqu’au deuxième étage, toujours à l’affût d’une découverte insolite. Il fallait grimper sans trop de bruit,  trouver une place pour poser nos pieds en quête de rapidité.

     

                 Chaque marche était occupée par les cartons de chaussures que ne pouvait contenir la réserve du magasin. Pépé considérait notre jeu pour le moins farfelu,  mais il était si compréhensif,  qu’il nous regardait évoluer dans ce dédale et les éclats de rire que nous ne pouvions contenir,  le rendaient heureux.  Parfois, les cartons s’ouvraient,  libérant des paires de chaussures et de pantoufles que nous nous empressions  d’essayer,  malgré la peur de nous faire gronder.

     

                Dans la réserve que nous ne manquions pas de visiter, s’entassaient des morceaux de cuir de couleurs différentes que tonton, cordonnier,  utilisait pour la confection des chaussures ; ils dégageaient une odeur forte.  Nous préférions celle plus douce des pièces de tissus, de la lingerie, et même celle un peu épicée des espadrilles colorées, liées en gerbes, suspendues au plafond. Cet amusement se terminait toujours de la même façon, dans les bras de grand-père qui en profitait pour nous couvrir de baisers.

     

                Un dimanche, en arrivant devant la maison, nous trouvâmes la porte fermée, masquée par une tenture noire. Papa et maman qui s’étaient tu durant le trajet m’expliquèrent que grand-père  était parti, voir le Bon Dieu et que désormais il faudrait apprendre à vivre sans lui.

     

                Les dimanches qui suivirent ne furent jamais les mêmes !

     

                Dans mes souvenirs d’enfance, cette maison occupe une grande place et aujourd’hui encore j’aime l’évoquer.

     

    Bernadette

     


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  • Le souvenir d'une photo: d'abord la description "mate" puis les souvenirs qui tournent autour.

     

    Les longues boucles dites "anglaises" encadrent le visage rond d'une petite fille au sourire forcé et aux yeux brillants. Sa robe blanche brodée façon "smocks", tirée sur ses genoux, surmonte des chaussettes de tricot bordées d'une fine dentelle et des chaussures de toile fermées par une bride boutonnée. Assise sur un gros cube, devant un rideau plissé, elle crispe ses doigts sur un chien en peluche qui tord la tête d'un air surpris.

     Je ne voulais pas prendre place devant l'inquiétant appareil photo recouvert d'un voile noir. Mon père a dû me donner la fessée la plus retentissante de mes souvenirs.


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  • Décrire un mauvais souvenir d'enfance

    Tata Eva revenait du marché. Chargée de ses deux cabas, elle écartait de la tête les lanières de plastique multicolores qui séparaient la cuisine de la terrasse.

    - Ah, tu es déjà levée, belle minette, il n'est que 9 heures, tu avais le temps. Je fais chauffer ton chocolat, je déballerai les courses après.

    Tout en versant le lait dans la casserole et en y cassant des morceaux de tablette noire, elle commentait sa descente "à la ville", les beaux produits des étals, le monde qui commençait à circuler, surtout des "estivants". Les vrais méridionaux s'étaient levés plus tôt pour avoir les légumes et le poisson plus frais. Elle fit couler le chocolat fumant dans le grand bol à fleurs qui m'était réservé; je commençais à tremper mes tartines  recouvertes de beurre et de la confiture d'abricot (ceux du jardin) aux gros morceaux délicieusement acidulés. Tata entreprenait alors de me montrer combien elle avait eu raison d'y aller de bonne heure. Devant mon bol, elle posait des paquets blancs d'où montaient des odeurs de plus en plus fortes au fur et à mesure qu'elle déployait les emballages.

    -Regarde comme il a l'oeil encore vif et ces ouïes toute roses ! On va se régaler !

    Elle sortait alors un grand couteau pour ouvrir chaque bête et en extirper un ensemble de boyaux et flatulences qui retombaient sur le papier dans un bruit flasque.

    -Mange ma chérie, il faut tenir jusqu'à midi. En attendant, je vais les laisser mariner dans les herbes et le citron, tu vas voir comme ça va être bon.

    A l'odeur qui avait imprégné mes narines et qui serait démultipliée à l'heure de la grillade, s'ajoutait la perspective des arêtes que je devrais recracher, avant d'avaler "tout rond" chacune de mes bouchées. Je détestais le poisson.


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  • LE  6 JANVIER  2018

     

    EN REGARDANT UNE PHOTO

     

    J’ai sorti de mon sac à dos le carnet sur lequel Robert avait détaillé l’itinéraire à suivre.

     

    Je l’ai en mains : j’ai du mal à déchiffrer les mots : cette ruelle est tellement sombre.

    Je suis sous l’unique point de lumière qui éclaire la sortie de ce passage couvert, noir, désert.

     

    « Passer devant le panneau publicitaire »

    Apparemment, il est là mais les affiches jonchent le sol. Le balai est posé contre le mur. A quelques pas, des paquets d’affiches ? de journaux ? sont empilés.

    Personne.

    Deux morceaux de papier : leur couleur, blanche, propre, indique qu’ils viennent d’être jetés. Par qui ? Personne sur  ces trottoirs étroits.

    Il y a bien un vélo, posé là. Un peu plus loin, deux véhicules sont stationnés. Personne aux volants.

     

    Faire encore quelques pas et passer à côté ? J’ai peur. Et si l’agresseur m’attendait, là, tapi sous un siège ?

     

    Revenir sur mes pas ? ; marcher de nouveau sous ce passage noir ?

     

    Je suis perdue.

     

    C’est impossible que l’ostéopathe que Robert m’a recommandé ait son cabinet dans un endroit pareil !

    C’est vrai qu’il a la renommée de s’occuper des plus pauvres.

     

    Je vais téléphoner.

     

    Je l’ai, le numéro de Robert ?

     


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  •  

     

    Les deux principaux personnages du chapitre « ARMISTICE »  fon un rêve  (le Maire et le Curé).

     

     

     

    Investi d’une mission qui le démarque d’un quotidien banal, il savoure une victoire à laquelle il n’aurait jamais cru. Pourtant, le voilà descendant les Champs-Elysées dans une voiture officielle ; triomphant, saluant la foule venue l’acclamer.

     

    Il met tout en œuvre pour instaurer une vie où chacun trouve sa place, et a sa part de bonheur. Il y parvient ; cela paraît simple. Les citoyens sont satisfaits, les enfants mangent à leur faim. Merveilleux prodige.

     

    C’est sans compter sur  l’omniprésence de l’envahisseur qui impose ses lois, ses exigences. Tout en les acceptant, il poursuit ses efforts, ne veut pas renoncer, abandonner, il veut encore croire à cette vie meilleure  qu’il s’est engagé à réaliser.

     

    Mais cela n’est qu’illusion ! Il constate son impuissance car tout redevient comme avant ; ses espérances ont des limites qu’il ne parvient pas à franchir. Il voit la situation se dégrader chaque jour un peu plus. Il doit abandonner. Il ne peut plus rien. La honte l’étreint. Lui, l’homme de tous les espoirs, erre lamentablement dans une rue sombre. Il lui  semble que toute la foule est à ses trousses…

     

     

     

    Le vieil aumônier militaire, poilu rescapé de la Grande Guerre oublie les tranchées, les obus… son passé est derrière lui. Il se trouve en Afrique. A  l’image de ces pionniers qui  l‘ont précédé dont il a lu  les exploits, il battit écoles, orphelinats ; des terres arides, il a fait des plantations.

     

    Mais, tout n’est pas aussi simple, il faut compter avec les fanatiques qui le guettent, les sorciers qui le menacent. Il poursuit cependant cette mission qui s’impose à lui, refuse l’échec.   

     

    Il se sent bientôt impuissant devant ces forces vives qui lui tendent des pièges. Le manque de moyens l’empêche de secourir ces hommes et ces femmes qui meurent lors d’épidémies ravageuses. Il a honte de ne pouvoir réaliser ce qu’il croyait facile.

     

     

     

    Enfin, l’assassin est là et c’est dans un cri déchirant que le rêve prend fin.

     

     

     

    Bernadette  -  7 décembre 2017

     

     

                                        

     


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  • Dans le jour naissant, sous un ciel blafard, j’emprunte cette rue étroite, triste et sombre mais qui me permettra de raccourcir mon parcours.

    Sous le passage ténébreux à peine éclairé par un unique lampadaire qui verse son faisceau lumineux sur une façade décrépie.

    Tout ici évoque la misère. Les pavés humides et glissants dévoilent des immondices échappés d’une poubelle renversée. Quelques affiches décollées jonchent le sol ; une, déposée récemment, propre, attend semble-t-il d’être mise sur le mur, à en juger le balai adéquat posé à ses côtés. Quelques papiers entassés çà et là, une sorte de cahier offre sa page blanche.

    Les pavés disjoints, placés sans doute depuis trop longtemps, ressortent dangereusement.

    Au-delà de ce porche, faisant un abri, une fine couche de neige recouvre la rue et le trottoir étroit. Contre un mur, un vélo semble abandonné.

    Une jeune femme me précède ; elle marche à pas mesurés, sans se presser. Chaudement vêtue, col relevé, mains dans les poches, chaussures fourrées, elle porte un sac à dos assez volumineux. Sa présence en ce lieu me paraît bizarre, que fait-elle dans ce lieu aussi inhospitalier ?

    Je regarde les habitations vétustes ; une devanture en fer forgé rouillé s’élève jusqu’au premier étage d’où s’échappent des odeurs de cuisine notamment de poissons frits à l’huile rance. On devine des logements précaires, insalubres.

    Aucun bruit ne trouble la rue. Deux véhicules arrêtés en vis-à-vis, forcent mon attention, abandonnés par leurs chauffeurs. Cependant, trois hommes sur l’étroit trottoir marchent en file indienne ; ils parlent bas, leur conversation est inaudible ; Voyant arriver la jeune femme, ils s’engouffrent dans une maison dont la porte entr’ouverte leur en facilite l’accès !

    Je presse le pas, dépasse la passagère ; j’ai hâte de quitter cette rue à l’atmosphère lourde, feutrée où un piège semble être tendu.

    Bernadette - 23 novembre 2017.


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  • DES GANTS-UN SAC-  nettoyage du Vieux-Por

    tAu soir de cette journée de nettoyage, on avait sorti de l'eau du port : 1 cady,2 motos, 3 1 cady, 2 motos, 3 poussettes,12 pneus, 15 cageots, 6 chaises...Des dizaines de sacs ont été remplis de bouteilles, de boîtes de Coca, de papiers...

    JE SUIS AVEC ANTOINE DECOURS

    pour dénoncer la corruption.

    Mais" dénoncer un scandale financier, c'est mettre en péril l'entreprise. L'entreprise doit être protégée.  

    Le dénonciateur doit être sanctionné.

    Et le scandale peut continuer

    JE NE SUIS PAS UN ROBOT

    Je suis employé à la préparation des colis.

    L'entrepôt est immense.

    Je conduis mon chariot entre les casiers :

    "Case 3- Etagère 6...Case 4 Etagère 9...Case...

    Les ordres arrivent à mes oreilles par micro et casque.

    "Plus vite !!Plus vite!! sinon ce sera la guerre...la guerre...

    BALANCE TON PORC

    Les heures de bureau, seule avec le patron sont devenues des moments de tous les dangers.

    Je ne coderai pas.

    Si la menace se précise, je serai licenciée.

    Qui me protègera ?

    LE JUSTE PRIX

    Ce mois-ci, je n'ai pas pris mon salaire : la quantité de lait vendue a servi à payer mes deux ouvriers

    agricoles.

    PARADISE PAPERS

    L'Enfer des riches

    "Les Etats n'apportant pas d'informations nécessaires pour lutter contre l'évasion fiscale, qui est une attaque

    contre la démocratie, ne doivent plus avoir accès au financement des grands organismes internationaux comme

    le FMI ou la Banque mondiale" (le ministre de l'Economie)

    Pour le Prix Nobel de la Paix, Muhammad Yunus, ce phénomène participe à la concentration de la richesse

    mondiale entre quelques mains.

    la situation est explosive. C'est une bombe à retardement.

    EXPLOSERA-T-ELLE EN MAI 2018 


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