• La cuisine de la colline - Suzanne - 06/09/2018

     Descendre deux marches recouvertes de tomettes rouges pour traverser un mur crépi blanc cassé, pénétrer dans l’antre de la cuisine ; La lumière peine à entrer par la fenêtre à petits carreaux. En bas des marches, un frigidaire attend qu’on l’ouvre. A côté sur une cuisinière à gaz de récupération mijote une ratatouille dont les effluves se répandent dans cet espace réduit. Un évier haut perché donne des crampes à celle qui fait la vaisselle ; seul le propriétaire est à l’aise mais il vit à l’autre bout de la terre. En face de l’évier des placards rouges et blancs donnent un peu de gaité à cette ambiance vieillotte. Impossible d’y être à deux, l’espace au sol permet juste de faire un demi-tour sur soi pour passer des placards à l’évier.

    La locataire des lieux s’est bien adaptée à ce recoin. La vue par la fenêtre s’ouvre sur les collines et même jusqu’à l’autre bout d’Aubagne. Elle vit seule en haut de sa colline en compagnie de Mélusine aux longs poils et aux yeux verts, une sauvageonne qu’elle a accueillie et qui ronronne sur son lit. Toutes les souris ont disparu de la maison, elles ne se cacheront plus sous l’aspirateur, Mélusine a fait son office.

    Quand viennent la famille ou les amis, chacun officie à tour de rôle dans la cuisine : les plus petits sont exemptés de vaisselle, les plus souples rangent les assiettes, les plus grands les verres, les plus courageux utilisent le four à gaz d’une autre époque.

    Mais cette cuisine est l’objet d’un procès avec les voisins. Son mur extérieur est trop ou pas assez éloigné de la bordure extérieure du terrain. Alors que d’encre coulée et de paroles blessantes échangées devant les tribunaux. Le litige dure depuis vingt ans. Les relations de voisinage sont compliquées. Deux clans se dressent l’un contre l’autre : parents, enfants, petits-enfants des deux cotés se parlent par obligation mais c’est tendu.

    Et la locataire dans cet imbroglio, elle se sent bien coincée, elle qui ne rêve que d’entente.

    Dans la colline il n’y a pas de clôture, mieux vaut donc connaître les délimitations à travers chaque arbuste pour ne pas déclencher d’histoires.

    Un jour, la locataire sent la fumée de broussaille. Elle découvre un début d’incendie à la lisière du terrain chez les voisins, à deux pas de sa maison. Les inconséquents ont commencé à nettoyer leur terrain mais n’ont pas contrôlé leurs brulis. Elle va vite sonner chez eux pour les avertir. Avec efficacité et rapidité elle les aide à éteindre ce feu avant qu’il ne prenne trop d’extension. Ouf ! Tout finit bien sans l’aide des pompiers. Fière d’avoir pu dépasser sa terreur des incendies de pinède, la locataire raconte son exploit aux propriétaires. Loin de la féliciter ces derniers lui reprochent de ne pas avoir appelé les pompiers. Cela aurait permis de verbaliser ces voisins indélicats. La locataire se tut et garda pour elle sa réflexion. Elle avait sauvé la maison et la colline. Avec les pompiers les dégâts auraient été bien plus importants. Ce litige embrouille les cerveaux même des gens intelligents !

     

    Suzanne


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :