• Dans le cadre du "récit familial", écrire à la troisième personne du singulier et au passé une scène qui marque son époque à travers des objets, évènements et sentiments.

     

          Elle regardait maintenant l’immense portail entrouvert surmonté du nom « Ecole Communale ». D’autres enfants accompagnés d’un adulte, tous à pieds bien sûr, (il était inimaginable que même ceux qui avaient une voiture la prennent pour circuler dans le même quartier), convergeaient vers l’austère bâtiment de pierre grise aux fenêtres grillagées. Une femme à lunettes, au petit chignon serré sur la nuque, guidait au fur et à mesure vers le seuil  les bambins vêtus de tabliers roses, bleus, unis ou à carreaux. Pour se laisser pousser de l’autre côté, Martine avait dû lâcher sa mère et se cramponnait au petit cartable de cuir fauve qu’elle lui avait mis entre les mains avant de l’embrasser rapidement et de faire demi-tour.

          Arrivée en plein inconnu dans un espace entouré de murs, au milieu de la bousculade, des cris et des pleurs, la petite fille n’avait qu’une idée: repartir. Mais en haut du perron, une dame tirait sur la chaîne de la cloche, et le son strident avait suspendu le tumulte de la cour. Des maîtresses faisaient mettre filles et garçons sur des rangs distincts, en leur interdisant, front plissé et doigt posé sur la bouche, de parler, de pleurer ou de rire. Derrière deux longues nattes blondes sur un tablier fermé dans le dos par des boutons, poussée par une autre qui lui donnait des coups derrière les chaussures, Martine se trouva propulsée dans une salle, se laissa choir sur un banc à sa mesure et posa le précieux  cartable sur une table de bois inclinée, en haut de laquelle un récipient de porcelaine blanche contenait un liquide violet.

      Elle essuya ses larmes et son nez sur sa manche recouverte de tissu plus foncé maintenu par deux élastiques, et entreprit d’explorer les trésors qui lui étaient compensation : un cahier et son buvard orné d’une plaque de chocolat Menier, un plumier de bois au couvercle coulissant décoré de décalcomanies de fleurs, dans lequel elle avait rangé un porte-plume en os, un crayon à la mine pointue, une gomme bleue et rose, une règle verte, un taille-crayon rouge et un drôle de bonhomme  jaune avec deux longues jambes et une toute petite tête, que sa mère avait appelé compas. Pour la laisser choisir, la marchande avait étalé sur le comptoir toute une série de petits outils multicolore pour écoliers, en disant que cette matière qu’on appelait le plastique permettait maintenant de faire des objets plus gais qu’avant. Elle avait alors eu une réflexion sur la guerre et les restrictions qui avaient encore suivies; elle avait soupiré de soulagement en disant qu’on en était enfin sortis et que les temps étaient à la nouveauté. Elle avait encore parlé de machine à laver et d’aspirateur, mais Martine n’écoutait plus : elle regardait une boîte que venait de sortir la dame d’un tiroir placé sous la caisse enregistreuse. Des tubes transparents à facettes y étaient alignés, à l’intérieur desquels on apercevait un mince tuyau bleu. La marchande avait pris en main l’un de ces drôles de crayons pour montrer la minuscule bille que l’on pouvait faire tourner à l’extrémité, et avait tracé des gribouillis sur une feuille. « Quand tu sauras bien écrire, tu pourras demander à tes parents de t’en acheter, ça vient de sortir, mais bientôt, tout le monde en aura un; ça s’appelle un stylo-bille ou une pointe bic ». Elle avait aussi ajouté d’un air complice « avec ça, tu ne risqueras plus de faire des pâtés ». 

          Plus de pâtés ? Pourquoi ? Martine aimait  pourtant bien faire des pâtés de sable pendant les vacances, elle aimait mieux ça que de se baigner dans l’eau froide avec la grosse bouée en caoutchouc noir, elle aimait mieux ça que d’aller grimper à l’échelle ou faire le lapin au Club Mickey dans son maillot de bain tricoté qui descendait toujours, elle aimait mieux ça que… d’aller à l’école. Pourquoi les enfants sont-ils toujours obligés d’obéir aux grands ? Vivement qu’elle soit grande à son tour.


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  • À la manière de Sei Shônagon dans ses Notes de chevet, nous écrivons "Les choses qui..."

    Les Notes de chevet (枕草子, Makura no sōshi?) est une œuvre majeure de la littérature japonaise du XIe siècle, attribuée à Sei Shōnagon dame de compagnie de l'impératrice consort Teishi (定子) durant les années 990 et au début du XIe siècle de l'époque de Heian.

    Wikipédia

    • Les choses qui frappent de stupeur

    Le vide qui se répand dans la tête lorsqu’il faut écrire sur la stupeur ; pas d’image ni d’idée comme si la stupeur n’a pas laissé d’empreinte dans le cerveau.

    • Les choses qui distraient des moments d'ennui

    -Un bon roman policier pas trop noir ni trop glauque
    -S’allonger sous un arbre et observer la lumière qui passe à travers les branches et les feuilles puis percevoir l’ombre qui s’y dessine faisant apparaitre par transparence le contact des feuilles entre elles.
    -Regarder un film de romance bien américain où on devine la fin dès les premières images.
    -Ranger les placards , trier les vêtements et les papiers pour y voir plus clair
    -Dessiner des objets qui habitent l’environnement immédiat
    -Imaginer une histoire drôle en grignotant un carreau de chocolat

    • Les choses qui semblent vulgaires

    -Les mots grossiers qui sortent de la bouche quand on est très en colère mais qui soulagent tellement la pression intérieure.
    -Le langage criard et la tenue vestimentaire délurée des personnes sans gêne et envahissantes.

    • Les choses qui ne servent plus à rien mais qui rappellent le passé

    -Des enrouleurs de tuyaux qui viennent du jardin de mon père et sont à la retraite dans le mien.
    -Des tableaux peints par ma mère et remisés au fond d’un placard
    -Des tissus exotiques ramenés d’un voyage qui attendent depuis des lustres au fond d’une malle
    -Des chutes de bois récupérés lors de travaux stockés derrière le cyprès profitant du soleil, du vent et de la pluie.
    -Des bacs à fleur en bois confectionnés avec dextérité par mon mari qui finissent vides et perdus dans les recoins du jardin.

    • Les choses qui font voir la vie en rose

    -Un repas simple aux multiples saveurs partagé avec mon compagnon
    -Des semis qui sortent de terre, poussent et finissent par fleurir
    -Une bonne pluie en plein été
    -L’odeur d’iode de la mer à l’approche de la côte
    -Le miaulement du chat le matin quand on ouvre les volets.

    Suzanne


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  • À la manière de Sei Shônagon dans ses Notes de chevet, nous écrivons "Les choses qui..."

    Les Notes de chevet (枕草子, Makura no sōshi?) est une œuvre majeure de la littérature japonaise du XIe siècle, attribuée à Sei Shōnagon dame de compagnie de l'impératrice consort Teishi (定子) durant les années 990 et au début du XIe siècle de l'époque de Heian.

    Wikipédia

     

    • Les choses qui frappent de stupeur

    Le regard tranquille de l’homme qui ment sans vergogne.
    Le terrain vague couvert d’immondices où jouent deux enfants, devant une cabane de planches.
    Le prix des vêtements exposés dans une vitrine de la rue Georges V à Paris.
    Le revenu moyen des Malgaches.

    • Les choses qui distraient des moments d'ennui

    Un chat qui joue avec un oiseau qu’il vient d’attraper.
    La visite d’un ami.
    L’appel d’un téléopérateur auquel vous essayez de vendre quelque chose jusqu’à ce qu’il raccroche.
    Regarder par la fenêtre la sortie d’un lycée de jeunes filles.
    Rechercher sur le Web des nouvelles des amis perdus de vue. 

    • Les choses qui semblent pures

    La chemise qui vient d’être repassée.
    Un ciel d’hiver après quelques jours de mistral.
    L’eau qui sort d’une fissure au pied de la falaise.
    Le pastis dans le verre, avant qu’on y verse l’eau et qu’on y plonge un glaçon.

    • Les choses vulgaires

    Un pet de nonne.
    Un cigare éteint à la bouche d’un gros homme en costume dans la salle d’embarquement d’un aéroport.
    Un verre empli de vin à ras bord.

    • Les choses qui ne servent plus à rien mais qui rappellent le passé

    Un jeton pour un manège disparu.
    La montre à gousset de son grand-père arrêtée à l’heure de sa mort.
    Le billet pour un vieux match de football.
    Une disque 78 tours.
    De longues rognures d’ongles.

    • Choses qui sont agréables en voyage

    Une maison sombre dans un paysage vide ; on entre, la pièce est chaude, un feu brûle dans la cheminée, jetant des lueurs mouvantes sur les murs, une odeur agréable arrive d’une faitout posé près du feu.
    Un étal dans un coin de marché où l’on sert des limaçons dans des verres en plastique sans couleur.
    Une route qui s’enfonce dans la montagne et semble ne jamais devoir finir.

    Jean-Paul

     


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  •  Descendre deux marches recouvertes de tomettes rouges pour traverser un mur crépi blanc cassé, pénétrer dans l’antre de la cuisine ; La lumière peine à entrer par la fenêtre à petits carreaux. En bas des marches, un frigidaire attend qu’on l’ouvre. A côté sur une cuisinière à gaz de récupération mijote une ratatouille dont les effluves se répandent dans cet espace réduit. Un évier haut perché donne des crampes à celle qui fait la vaisselle ; seul le propriétaire est à l’aise mais il vit à l’autre bout de la terre. En face de l’évier des placards rouges et blancs donnent un peu de gaité à cette ambiance vieillotte. Impossible d’y être à deux, l’espace au sol permet juste de faire un demi-tour sur soi pour passer des placards à l’évier.

    La locataire des lieux s’est bien adaptée à ce recoin. La vue par la fenêtre s’ouvre sur les collines et même jusqu’à l’autre bout d’Aubagne. Elle vit seule en haut de sa colline en compagnie de Mélusine aux longs poils et aux yeux verts, une sauvageonne qu’elle a accueillie et qui ronronne sur son lit. Toutes les souris ont disparu de la maison, elles ne se cacheront plus sous l’aspirateur, Mélusine a fait son office.

    Quand viennent la famille ou les amis, chacun officie à tour de rôle dans la cuisine : les plus petits sont exemptés de vaisselle, les plus souples rangent les assiettes, les plus grands les verres, les plus courageux utilisent le four à gaz d’une autre époque.

    Mais cette cuisine est l’objet d’un procès avec les voisins. Son mur extérieur est trop ou pas assez éloigné de la bordure extérieure du terrain. Alors que d’encre coulée et de paroles blessantes échangées devant les tribunaux. Le litige dure depuis vingt ans. Les relations de voisinage sont compliquées. Deux clans se dressent l’un contre l’autre : parents, enfants, petits-enfants des deux cotés se parlent par obligation mais c’est tendu.

    Et la locataire dans cet imbroglio, elle se sent bien coincée, elle qui ne rêve que d’entente.

    Dans la colline il n’y a pas de clôture, mieux vaut donc connaître les délimitations à travers chaque arbuste pour ne pas déclencher d’histoires.

    Un jour, la locataire sent la fumée de broussaille. Elle découvre un début d’incendie à la lisière du terrain chez les voisins, à deux pas de sa maison. Les inconséquents ont commencé à nettoyer leur terrain mais n’ont pas contrôlé leurs brulis. Elle va vite sonner chez eux pour les avertir. Avec efficacité et rapidité elle les aide à éteindre ce feu avant qu’il ne prenne trop d’extension. Ouf ! Tout finit bien sans l’aide des pompiers. Fière d’avoir pu dépasser sa terreur des incendies de pinède, la locataire raconte son exploit aux propriétaires. Loin de la féliciter ces derniers lui reprochent de ne pas avoir appelé les pompiers. Cela aurait permis de verbaliser ces voisins indélicats. La locataire se tut et garda pour elle sa réflexion. Elle avait sauvé la maison et la colline. Avec les pompiers les dégâts auraient été bien plus importants. Ce litige embrouille les cerveaux même des gens intelligents !

     

    Suzanne


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  •  

    Récit autour de trois phrases :

               

     

    -       En commençant : « Je m’appelle Victor, je suis haï de tous »

     

    -       Au milieu du récit : « Je me dis qu’il faudrait en finir »

     

    -       En terminant : « à présent, il est trop  tard »

     

     

     

     

    « Je m’appelle Victor, je suis haï de tous ». Ce prénom que je n’ai pas choisi, m’a été infligé, il s’est imposé à moi ; j’en voulais à mes parents et j’ai rapidement pensé qu’ils ne m’aimaient pas.

     

    La nature ne m’a pas gâté ; je suis affligé d’une difformité du pied appelée « pied bot ». Mon enfance a été différente de celle des autres enfants. Je regardais mes frères courir, je ne pouvais participer  à leurs jeux et me faisais traiter de traînard. Je ne voulais pas leur imposer ma lourdeur et je restais souvent seul.

     

    Mes parents me trouvaient lent, trop lent pour accomplir les gestes quotidiens ; ils m’aidaient bien mais souhaitaient me voir me débrouiller pour m’assurer un avenir qu’ils prévoyaient  douloureux pour moi.

     

    Je souffrais terriblement moralement. A l’école, mes camarades se moquaient de moi.  La  maîtresse  pas  toujours  compréhensive,  était sans pitié ; j’entendais ses sarcasmes que je jugeais déplacés malgré mon jeune âge.

     

    J’ai grandi dans l’incompréhension étant bien persuadé que personne ne m’aimait. Le soir, je pleurais dans mon lit. Ma mère que je jugeais sévèrement  me priais de cesser les sanglots que je ne pouvais retenir, afin de ne pas réveiller la maisonnée.

     

    Je trouvais un léger réconfort auprès de ma grand-mère que je  voyais  peu à mon gré et qui me disait qu’elle m’aimait bien et que j’étais un bon garçon. Puis, je retournais  à  mon chagrin qui ne me quittait plus.

     

    Je suis devenu un grand adolescent que la vie continue de blesser. J’entends les conversations de mes parents avec les médecins ; comment jugent-ils mon cas ? Peuvent-ils quelque chose pour moi ?

     

    Au centre de formation où je suis apprenti, je suis parfois traité de bon à rien sans  ménagement ; pourtant, mon cerveau fonctionne bien. Que vais-je devenir ? Conscient de mon handicap,  j e me dis qu’il faudrait en finir.

     

                Cependant, je ne veux pas mourir ! Je suis décidé à m’en sortir. J’en fait part à mes parents qui,  maintes fois,  m’ont parlé d’opération Les médecins à nouveau consultés me laissèrent quelques espoirs. D’examens  en examens, je reprenais confiance dans un avenir qui me ferait oublier les vicissitudes passées.

     

                Le jour du grand oral  est arrivé ; le verdit terrifiant  est  tombé  par la voix du chirurgien: à présent, il est trop tard !

     

     

     

    Bernadette   -   15  mars  2018

     

     

     


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  •  Description de la photo,  vue par un narrateur

     

    La salle à manger n’a pas changé, même rideau, même tableau, le décor est peu visible,  cependant aujourd’hui, elle paraît plus lumineuse.  Bien sûr,  c’est la fête. La jeune fille habillée d’une toilette blanche est radieuse, elle a vingt ans. L’âge de toutes les espérances. Peut-être  ses pensées vont vers un beau jeune homme qu’elle n’a pas encore présenté. 

    À ses côtés, son père a l’air plus grave,  songeur, peut-être déplore-t-il une enfance  passée trop rapidement,  mais il paraît heureux.  Il a revêtu  une tenue stricte où la cravate ne perd jamais ses droits.

     

    Sa maman qui  a quitté  la famille quelques années plus tard est tout à sa joie. Derrière elle, les deux jeunes femmes de la famille, souriantes, attendent l’arrivée de leurs époux.

     

    Le petit Bernard, juché sur une chaise est tout à son aise de se voir tout à coup  aussi grand que sa cousine  et fier d’être à côté de sa marraine.

     

    L’oncle Étienne tenant  sa petite fille sur ses genoux, cherche du regard son épouse qui n’en finit pas de faire la causette avec ses neveux.

     

    Je pense qu’il est temps de passer à table,  dis-je,  sans quoi les bougies allumées vont se consumer, ce serait dommage !

     

    J’imagine les pensées de chacun des participants, toutes positives, profitant de ces instants  où il n’y a pas de place pour la morosité.

     

     Je ne pense qu’au moment présent, savourant ces instants magiques qui voient se rassembler les personnages qui me sont chers, qui me font confiance ! Mon appareil est prêt, il ne s’agit pas de louper la photo !

     

     

     

     

     Bernadette  -  8 février 2018


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  •  

    Description d'une photo mémorisée

     

    À  N.D. de la Garde, devant la balustrade de la terrasse, ils posaient tous les deux.

    Lui, en costume clair, chemise blanche, cravate colorée, coiffé d’un chapeau mou,  se tenait debout.

     

    Elle, à ses côtés,  prenait la pose,  vêtue d’un ensemble bicolore confectionné par ses soins, modeste mais chic. Une capeline légère, garnie de fleurs en tissu masquait légèrement son visage. Sur ses épaules, un renard argenté  complétait sa toilette. Des gants d’une grande finesse couvraient ses mains et leurs petites collerettes fines enveloppaient ses poignets. Ses chaussures blanches à petits talons la rehaussaient un peu. En partie caché, mais visible,  un petit sac à main.

     

     

     

    Le photographe avait sûrement pris du recul pour saisir tous les détails de ce portrait.

     


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     Souvenirs d’enfance

     

     

     

                Après le tram, le trolleybus, c’est à pied que nous devions rejoindre la campagne.

     

                Nous faisions une première halte dans le village, chez l’oncle Étienne. Tante Andréa préparait un bon café, moi j’avais droit au chocolat chaud et ces odeurs mêlées, embaumaient la cuisine.  Puis, nous allions à la « remise » qui était l’ancienne écurie où grand-père, autrefois,  abritait son petit âne. Malgré les années passées, une bonne odeur de foin persistait encore.  Papa s’emparait de la brouette chargée de cageots où il m’aménageait une petite place.

     

                Passé le village, déjà nous respirions mieux. L’air était léger, les senteurs printanières s’exhalaient. Tout sentait bon. La terre humide pas encore  craquelée,  le foin coupé séchant au soleil, les roses trémières  le long de la route.

     

                Devant le cabanon, le jasmin comme chaque année avait envahi la façade qu’il partageait avec un superbe rosier, cela donnait un magnifique mélange de senteurs digne d’un grand parfumeur.

     

                Mes parents cueillaient les premières cerises. Je parais mes oreilles de coquets « pendants » que je dévorais aussitôt.

     

                J’observais toutes ses merveilles autour de moi. Par la cheminée du cabanon, des volutes de fumée bleue laissaient échapper une odeur de sarments de vignes qui  brûlaient  révélant les prémices d’une grillade savoureuse  qui se préparait.

     

                Puis sur les braises rougies, cuisaient les tomates dites à la  « provençale » libérant les saveurs de l’ail et du persil, de l’huile d’olive. Enfin, l’odeur  des   côtelettes de mouton avec leur semis de thym emplissait à son tour le petit cabanon.

     

     

     

                Je  n’ai jamais oublié ces odeurs.  Peut-être parce qu’elles libèrent aussi les souvenirs d’une enfance heureuse où les petits bonheurs fleurissaient chaque jour.

     

     

     


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    Souvenirs d’enfance à Gémenos

     

     

                Elle était située au centre du village. Grand-mère et grand-père l’occupaient encore ; le magasin « chaussures et mercerie » au rez-de-chaussée était tenu par mes oncle et tante.

     

                Chaque dimanche j’y retrouvais mon cousin Jo,  de quatre ans mon aîné,  qui  m’entraînait dans les petites rues où nous pouvions courir en toute liberté. Mais le jeu qui nous amusait le plus était celui qui consistait en une course poursuite dans les escaliers de la maison jusqu’au deuxième étage, toujours à l’affût d’une découverte insolite. Il fallait grimper sans trop de bruit,  trouver une place pour poser nos pieds en quête de rapidité.

     

                 Chaque marche était occupée par les cartons de chaussures que ne pouvait contenir la réserve du magasin. Pépé considérait notre jeu pour le moins farfelu,  mais il était si compréhensif,  qu’il nous regardait évoluer dans ce dédale et les éclats de rire que nous ne pouvions contenir,  le rendaient heureux.  Parfois, les cartons s’ouvraient,  libérant des paires de chaussures et de pantoufles que nous nous empressions  d’essayer,  malgré la peur de nous faire gronder.

     

                Dans la réserve que nous ne manquions pas de visiter, s’entassaient des morceaux de cuir de couleurs différentes que tonton, cordonnier,  utilisait pour la confection des chaussures ; ils dégageaient une odeur forte.  Nous préférions celle plus douce des pièces de tissus, de la lingerie, et même celle un peu épicée des espadrilles colorées, liées en gerbes, suspendues au plafond. Cet amusement se terminait toujours de la même façon, dans les bras de grand-père qui en profitait pour nous couvrir de baisers.

     

                Un dimanche, en arrivant devant la maison, nous trouvâmes la porte fermée, masquée par une tenture noire. Papa et maman qui s’étaient tu durant le trajet m’expliquèrent que grand-père  était parti, voir le Bon Dieu et que désormais il faudrait apprendre à vivre sans lui.

     

                Les dimanches qui suivirent ne furent jamais les mêmes !

     

                Dans mes souvenirs d’enfance, cette maison occupe une grande place et aujourd’hui encore j’aime l’évoquer.

     

    Bernadette

     


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    Les deux principaux personnages du chapitre « ARMISTICE »  fon un rêve  (le Maire et le Curé).

     

     

     

    Investi d’une mission qui le démarque d’un quotidien banal, il savoure une victoire à laquelle il n’aurait jamais cru. Pourtant, le voilà descendant les Champs-Elysées dans une voiture officielle ; triomphant, saluant la foule venue l’acclamer.

     

    Il met tout en œuvre pour instaurer une vie où chacun trouve sa place, et a sa part de bonheur. Il y parvient ; cela paraît simple. Les citoyens sont satisfaits, les enfants mangent à leur faim. Merveilleux prodige.

     

    C’est sans compter sur  l’omniprésence de l’envahisseur qui impose ses lois, ses exigences. Tout en les acceptant, il poursuit ses efforts, ne veut pas renoncer, abandonner, il veut encore croire à cette vie meilleure  qu’il s’est engagé à réaliser.

     

    Mais cela n’est qu’illusion ! Il constate son impuissance car tout redevient comme avant ; ses espérances ont des limites qu’il ne parvient pas à franchir. Il voit la situation se dégrader chaque jour un peu plus. Il doit abandonner. Il ne peut plus rien. La honte l’étreint. Lui, l’homme de tous les espoirs, erre lamentablement dans une rue sombre. Il lui  semble que toute la foule est à ses trousses…

     

     

     

    Le vieil aumônier militaire, poilu rescapé de la Grande Guerre oublie les tranchées, les obus… son passé est derrière lui. Il se trouve en Afrique. A  l’image de ces pionniers qui  l‘ont précédé dont il a lu  les exploits, il battit écoles, orphelinats ; des terres arides, il a fait des plantations.

     

    Mais, tout n’est pas aussi simple, il faut compter avec les fanatiques qui le guettent, les sorciers qui le menacent. Il poursuit cependant cette mission qui s’impose à lui, refuse l’échec.   

     

    Il se sent bientôt impuissant devant ces forces vives qui lui tendent des pièges. Le manque de moyens l’empêche de secourir ces hommes et ces femmes qui meurent lors d’épidémies ravageuses. Il a honte de ne pouvoir réaliser ce qu’il croyait facile.

     

     

     

    Enfin, l’assassin est là et c’est dans un cri déchirant que le rêve prend fin.

     

     

     

    Bernadette  -  7 décembre 2017

     

     

                                        

     


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  • Dans le jour naissant, sous un ciel blafard, j’emprunte cette rue étroite, triste et sombre mais qui me permettra de raccourcir mon parcours.

    Sous le passage ténébreux à peine éclairé par un unique lampadaire qui verse son faisceau lumineux sur une façade décrépie.

    Tout ici évoque la misère. Les pavés humides et glissants dévoilent des immondices échappés d’une poubelle renversée. Quelques affiches décollées jonchent le sol ; une, déposée récemment, propre, attend semble-t-il d’être mise sur le mur, à en juger le balai adéquat posé à ses côtés. Quelques papiers entassés çà et là, une sorte de cahier offre sa page blanche.

    Les pavés disjoints, placés sans doute depuis trop longtemps, ressortent dangereusement.

    Au-delà de ce porche, faisant un abri, une fine couche de neige recouvre la rue et le trottoir étroit. Contre un mur, un vélo semble abandonné.

    Une jeune femme me précède ; elle marche à pas mesurés, sans se presser. Chaudement vêtue, col relevé, mains dans les poches, chaussures fourrées, elle porte un sac à dos assez volumineux. Sa présence en ce lieu me paraît bizarre, que fait-elle dans ce lieu aussi inhospitalier ?

    Je regarde les habitations vétustes ; une devanture en fer forgé rouillé s’élève jusqu’au premier étage d’où s’échappent des odeurs de cuisine notamment de poissons frits à l’huile rance. On devine des logements précaires, insalubres.

    Aucun bruit ne trouble la rue. Deux véhicules arrêtés en vis-à-vis, forcent mon attention, abandonnés par leurs chauffeurs. Cependant, trois hommes sur l’étroit trottoir marchent en file indienne ; ils parlent bas, leur conversation est inaudible ; Voyant arriver la jeune femme, ils s’engouffrent dans une maison dont la porte entr’ouverte leur en facilite l’accès !

    Je presse le pas, dépasse la passagère ; j’ai hâte de quitter cette rue à l’atmosphère lourde, feutrée où un piège semble être tendu.

    Bernadette - 23 novembre 2017.


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  • DANS LA FOULE

     

    L’ENTREE DES AMERICAINS A GEMENOS   A LA LIBERATION

     

    Des bruits ont couru…

    Le vieux voisin du fond du vallon arrive en courant et en criant, tout essoufflé :

    -       Ils arrivent !!!

    -       Qui ?

    -       Les Américains !!!

    C’est la Libération.

     

    Nous partons en courant vers la Route Nationale.

    Là, alignés le long du bord de la route, les gens du quartier, immobiles, battent des mains, crient, rient.

    J’écarte les adultes, grands, pour être devant.

    M. X…est tout près de moi. Il ne dit rien, lui.

    Je vois un homme qui traverse et qui vient se planter devant lui :

    -       Aujourd’hui, vous applaudissez les Américains. Vous avez applaudi  et accueilli chez vous, les Allemands. Suivez-nous.

    C’est, d’abord, le silence complet.

    Puis :

                   -Il l’a bien cherché, ce fumier…

                   -oh !, y en a eu d’autres, et ceux-là, aujourd’hui, ils restent bien cafournés chez eux ; ils sont pas ici.

    J’entends dire qu’on va l’emmener à la mairie et que peut-être, on va le fusiller.

     

    Pour l’heure, je ne sais plus où regarder :

    D’énormes machines de guerre, les chars d’assaut, fracassent le goudron dans un bruit de ferraille assourdissant.

    Juchés sur ces engins, de jeunes soldats souriants prennent dans leurs mains les bouquets tendus.

     

    Des groupes de jeunes du village, s’agrippent aux marche-pieds ; d’autres marchent à côté des tanks pour les accompagner.

    Ma cousine, crie, rit.Un jeune soldat lui tend la main. L’espace d’un instant, elle est sur le char : le temps d’embrasser l’Américain sur les deux joues.

    Et elle saute, toute fière, pour reprendre sa place sur le trottoir.

     

    Nous resterons là, heureux, jusqu’au passage du dernier char.

     

    Dans la foule 


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    Une année zéro

    Il vaut mieux vivre avec des remords qu'avec des regrets c'est ça le secret.
    Bigflo et Oli.

    C'est dans la cuisine que je pense. Quand je dis « pense », j'entends réfléchir. Je pense aussi le reste du temps. La nuit je me réveille pour penser. Comme les gros fumeurs sont réveillés par l'envie de fumer.

    De là à dire que penser est une drogue il n'y a qu'un pas ! Bien sûr que non, ce n'est pas une drogue. C'est une maladie peut-être bien ? Un mode de vie, à ce que je vois autour de moi. Je ne regarde même plus la télévision car j'ai du mal à penser en même temps. Trop d'images trop de bruit. La radio c'est pas pareil. Elle stimule la pensée. Elle m'accompagne. Une note de musique, les bribes d'une conversation, quelques paroles d'une chanson, et hop mes pensées s'envolent. Dans ma tête je dialogue avec les musiciens, les interprètes, l'animateur. Pas avec les invités. Les invités, ils sont invités.Ils parlent. Je les écoute. Si je ne suis pas d'accord je les engueule, et je change de station ! oui je change, pour épargner mon cerveau et ne pas infliger à ma pensée les blessures dues aux pensées de ces autres, auxquelles elle n'est pas encore ouverte.

    La cuisine pour cela c'est bien. Silence, bienveillance, légumes consentants. Plus de quarante ans que j'épluche des légumes pour composer des repas. Les épluchures doivent se compter en tonnes. Mes pensées s'enracinent, émergent, poussent, prolifèrent vers la lumière, se développent se ramifient, fleurissent enfin sur le terreau des déchets silencieux, consentants, bienveillants. Le travail se fait. C'est un travail de se nourrir. Un bonheur, plus qu'une nécessité. Un devoir de faire ça bien.

    Et aujourd'hui je me suis entaillé le pouce. Ils veulent commander des pizzas. Ils veulent qu'on aille au Bouddha. Ils veulent regarder la télé avec un plateau télé. Ils veulent que je me coupe un doigt par jour. Ils ne veulent pas penser. Ils gobent des images et du son en utilisant leurs pouces et leurs index aussi. Sans éplucher. Ils sont en état de perception et entassent des données. Les appareils leur proposent des choix bien sûr, et là un doigt leur suffit pour envoyer de nouvelles images, des datas, les stocker, les partager. C'est en kilo, méga octets que cela se soupèse. Mais ils n'épluchent pas, ils empilent et je ne suis pas certaine qu'ils pensent.

    Éplucher c'est penser. Est-il prévu d'empêcher les futurs éplucheurs de penser ? Est-il possible d'empêcher les futurs penseurs d'éplucher ? Le combat est inégal. On ne fait pas la révolution avec un rase légume surtout si c'est du local.

    Tiens, le docteur est de sortie. Ce n'est pas de lui. Ce n'est pas son heure. *

    Il se déplace à grandes enjambées. Son pantalon noir flotte autour de ses jambes, alors que sa tunique grège ajustée lui confère une certaine raideur. Depuis le matin sa fille est injoignable alors qu'elle devait être en cours. C'est le semestre où elle cumule presque tout son service pour se consacrer ensuite plus sereinement à la recherche, la vie étudiante et l'administratif occupant déjà à eux seuls un plein temps. Il l'a poussée dans cette voie. Elle avait les qualités, leur éducation a fait le reste.

    Il a reporté un à un ses derniers rendez-vous de l'après midi, collé un mot sur sa plaque après avoir ôté le chewing-gum qui masquait une partie de son nom, faisant de lui le Docteur NO Edgar psychiatre comportementaliste sur rendez-vous uniquement. Impossible de nettoyer les tags qui masquaient cette fois « comporte ». Il avait lu avec intérêt d'autres combinaisons bien plus drôles. Ses pas l'emportent vers le haut de l'avenue, vers la montée qui permet de s'échapper vers la gare à droite, vers la Grand Place à gauche, d'où le cortège doit partir. Des groupes sont formés déjà, calmes et silencieux, qu'il reconnaît à leurs banderoles dénouées partiellement lisibles.

    ...libérez pas... m'en charge

    ...pouvoir abuse, le pou...solu abuse absolument

    Lorsqu'il salue au passage, ses mains se joignent en haut de sa poitrine, et son menton se pose rapidement sur la pointe de ses doigts réunis, sans que son regard ne quitte les yeux de ceux qu'il croise. Déjà il repart, son pantalon ondule à chaque foulée, rend sa direction incertaine. Un autre groupe passe en revue son matériel, et le répartit entre les manifestants présents. Il oblique vers la gare, le collège, le lycée, la fac, elle peut s'y trouver. Au bord de la placette qui surplombe l'avenue, deux collégiennes du quartier jouent à se chamailler.

    *

    - J'suis trop vénère. Encore des courgettes. C'est cette pub des fruits et légumes qui lui bouffe la tête à ma reum !

    - Oh ! t'arrêtes avec ce couteau !
    - C'est mieux à la cantine ! De un, c'est gratos. De deux, on n'est pas obligé de manger , c'est « self ». De trois on ne doit rien à personne, on ne voit personne qui épluche, pas besoin de dire merci. A la maison c'est marre...
    - Oh, ton couteau là !
    - Trop deg ! Ils m'obligent à manger, et dire merci ! À la poubelle le couteau, c'est sa place. Trop classe.
    - Khadi ! Tu t'es fait mal, aya, tu saignes. Tu vas tuer quelqu'un si ça continue.
    - Ca va pas bien la tête ? Oh Zou ! t'as vu là bas ? Ceux là, qu'ont les barrières. Ils font quoi tu crois ? Regarde, tu lis ? « la terre aux Terriens » ils ont peur des Martiens ou quoi !
    - N'importe quoi ! Ça existe pas.
    - Z'y vas ! C'est quoi ça ? « tous dans la rue ! » ils ont écrit.
    - Ils peuvent, ils y vivent pas eux, dans la rue. C'est eux qui ont mis la cantine en grève. Regarde, c'est la cantinière là.
    - Zou ! Le... gaffe ! Aïe

    Le docteur perçoit à peine le choc, absorbé par l'ampleur du pantalon. Il ramasse un Opinel, le replie et le tend à une des filles. Puis il joint les mains dans un salut. Khadija indignée prend Zoubida à témoin et miaule « aya ! M'sieur c'est pas moi ! J'ai rien fait ! » Elles pouffent de rire, il est déjà loin.
    - Aya, t'as vu sa dégaine ?
    - Comme il t'a matée ! J'y crois pas ! Ses yeux en dedans et ses mains en prière. Chelou.

    *

    La discussion vive qu'il a eue avec sa fille lui revient brutalement en mémoire, c'est cela qui le torture inconsciemment depuis ce matin. « Ma place est là-bas » a-t-elle décrété sèchement.
    « avec tous ceux qui contestent. Tout est mis en place pour qu'on s'isole les uns des autres, au travail, en famille, dans les études avec des cursus incompréhensibles, dans l'administration où le maître mot est devenu : « nouveau » comme au super marché. Nouveaux, les programmes, nouveaux les modes d'évaluation, le tirage au sort dans les filières trop demandées, les modalités d'inscription, les noms donnés aux diplômes, leur durée. Et les étudiants ? Et bien c'est toujours les mêmes, des gosses comme j'ai été, comme toi avant moi. Et les gouvernements ? Les mêmes : ils ne savent pas quoi foutre des étudiants avant qu'ils soient diplômés, et quand ils le deviennent non plus d'ailleurs. J'ai 33 ans, tu sais ce que je lis sur les murs ? « Professeur vous êtes vieux et votre culture aussi ». Et aussi « ne vous emmerdez plus, emmerdez les autres ». Et certains reprennent : « la réforme oui, la chienlit non ». Cela ne t 'évoque rien ? C'est le monde à l'envers. Et tu sais quoi, je vais te dire : comme en 68, « élections piège à cons ». Parce que la nouvelle réforme qu'on doit appliquer dès septembre 2018, sur laquelle je vais encore passer des heures en réunion et travail perso, et rions de la recherche, et bien le ministre l'a pondue en trois semaines ! Alors tu ne vas pas me dire qu'elle n'était pas déjà dans les cartons avant le 8 mai 2017. »

    Ses yeux brillaient de colère contenue.
    Elle avait ajouté froidement « Il est question de créer une année zéro dans les cursus. Après les passerelles pour faciliter les réorientations, c'est-à-dire éliminer ceux qui n'ont pas leur place à la fac, c'est l'année zéro. Tu entends ? L'année zéro. Il y a assez d'étudiants, de profs, de chômeurs, de travailleurs déçus, fragilisés dans leur vie professionnelle pour faire une révolution. »
    Où est-elle, la prunelle de ses yeux ?

    La foule est si dense maintenant qu'il ne flotte plus confortablement dans son pantalon. Il faudrait un bien grand hasard pour être l'un et l'autre au même moment isolés du bruit des percussions orchestrées par les manifestants pour entendre une sonnerie de téléphone, ou repérer sa vibration. Elle avait parlé de 68. Il y avait eu des morts en 68. Et des blessures. Le hasard n'existe pas.

    Il ondula contre un groupe et sa litanie, « les réserves imposées au plaisir excitent le plaisir de vivre sans réserve » pour repartir en direction de la place. Un cercle de barrières enfermait des gens de tous horizons. On y lisait « les frontières on s'en fout » tout autour des rondes scandaient « La terre aux Terriens ! » soutenues pas des tambours aux rythmes de pulsations cardiaques.

    *

    Alerte ! Trop de vapeur, je suffoque dans cette cuisine. Vite, ouvrir la fenêtre. Voilà . Arrêt du poste de radio, plus possible de ronronner de conserve. Ils font un sacré vacarme au bout de l'avenue. Quel bazar ! Ça se met en place à ce que je vois. Allez hop, du balai les épluchures. Un journal. Là...des nouvelles. Pas trop fraîches, je préfère.

    mercredi 2 août 2017. cinéma « La planète des singes » sur orbite

    LA TERRE A CREDIT Le temps que vous lisiez ce titre...
    - 1 million de kilos de CO2 ont été émis dans l'atmosphère
    - 41 200 kilos de nourriture ont été jetés
    - 10 000 kilos de viande de bœuf ont été consommés
    - 4 900 kilos de poissons ont été pêchés

    Ce 2 août, l'humanité a consommé tout ce que la planète était en mesure de lui offrir pour cette année.

    Poubelle. Je respire mieux.
    Les champignons de Paris maintenant. Pas épluchés, juste essuyés, j'ôte la terre, j'émince. En douceur dans l'huile chaude juste le temps qu'ils mollissent et boivent tout le gras, voilà. Je pensais, il faudra que je leur dise qu'avec deux grains de poivre de la Jamaïque à la fin, à peine écrasés sous la spatule, on croirait de la truffe. On est bien des habitants de la terre. Je leur dirai.

     

    Françoise V.

     


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  • Armistice


    J’avais compris que cet homme à la haute taille, vêtu d’un costume sombre, allait jouer un rôle prépondérant dans l’organisation  de la marche à laquelle  l’école se devait d’assister.  Un large ruban tricolore posé sur sa poitrine nous apprit que c’était Monsieur le Maire. Il avait donné le signal du  départ du cortège après le rassemblement devant la mairie ; quelques minutes plus tard il  en ordonna l’arrêt devant le monument aux morts. La foule s’était tue, recueillie, elle écoutait attentivement le discours prononcé.

    A partir de ce moment-là, subjuguée par le personnage, je buvais ses paroles que je ne comprenais qu’à demi. Il parlait de la France, notre patrie ; le mot « sacrifice » revenait souvent attribué aux héros. Il était question d’honneur, de soldats, de tranchées, de pluies de balles que j’avais beaucoup de peine à imaginer. Quelques hommes, d’anciens combattants, nous a-t-on dit, portaient des drapeaux, les mains gantées de blanc, la poitrine couverte de médailles. Certains  portaient d’importantes cicatrices au visage, les faisant appeler « les gueules cassées ». D’autres, appuyés sur leur canne, souffraient visiblement  de la station debout.

    Je pensais que dès mon retour à la maison, j’interrogerais Papa puisqu’il  avait participé à cette tuerie ; lui,  me donnerait les explications que j’attendais complétant celles dispensées par  la maîtresse.

    Un autre personnage avait attiré mon attention. En début de cortège, à la droite de Monsieur le Maire, se tenait « Monsieur le Curé ». Je ne comprenais pas pourquoi il avait sa place dans ce défilé, habituée à le voir évoluer dans l’église,  sa présence me semblait étrange, saugrenue. Encore une question à poser !

    C’était la commémoration de l’armistice du 11 novembre 1918 qui mettait fin à cette guerre qu’on appela  « la grande » et dont les participants étaient nommés  « les poilus ».

    J’avais 6 ans, ma première année scolaire.  J’étais désormais projetée  dans l’univers des grands.

    La veille de l’événement,  notre enseignante nous avait précisé que dans tous les villages de France, ce jour-là, des milliers d’enfants et de grandes personnes auraient une pensée émue pour les valeureux soldats qui avaient donné leur vie pour notre  pays.  Peine perdue, pensais-je plus tard, puisque nous venions d’entrer dans un nouveau conflit..

    Cet événement avait marqué ma jeune vie et  je ne l’ai jamais oublié.


    Bernadette – 9 novembre 2017


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  • Souvenirs  -  Mai 1968

    Ce fut le parcours du combattant pour rejoindre mon domicile ; traverser des rues encombrées d’immondices à cause de la grève des éboueurs n’était pas chose facile ; quelques rats en quête de nourriture qu’ils n’avaient aucune difficulté à trouver, se faufilaient ça et là. Les commerçants excédés vociféraient contre l’immobilisme de Monsieur le Maire qui, selon eux,  ne prenaient pas les mesures nécessaires pour faire cesser un tel désordre qui éloignait les chalands de leurs boutiques.

    J’arrivais à la station du bus, elle était déserte, étonnant ? Grève surprise. Une solution : la marche.

    L’événement que je venais de vivre me rendait songeuse ; l’amie rencontrée  dans sa maison de retraite m’était apparue en souffrance, le peu de considération, visiblement, la chagrinait et le personnel peu nombreux s’ajoutait au laisser-aller du service Je n’étais pas satisfaite de ma journée.

    Confortablement installée dans mon fauteuil, je vais enfin goûter un repos bien mérité. Je mets en marche le téléviseur espérant quelques bonnes nouvelles, mais ce n’est pas tous les jours qu’est attribué un Prix Nobel ou un César à un artiste méritant. C’est déjà l’heure du J.T.  L’écran est envahi par un champ de ruines, la chute de Raqqa ! Enfants sans parents, parents sans enfants, les yeux rougis, hagards. Certains présentateurs y voient la chute du terrorisme ! Tu parles !

    Passons à autre chose. Il faudrait changer de chaîne. Non ! j’attends la suite, stoïque. Voici les banderoles, les haut-parleurs qui diffusent leurs bonnes paroles ; les ouvriers, les patrons défendant leur « beefsteak ». Ajoutons les fermetures d’usine, la montée du chômage entrainant le malheur des familles.  Le mécontentement atteint toutes les générations.  Les  images du bout du monde ne sont pas plus rassurantes.

    Je me plonge dans mes souvenirs de Mai 1968 : les pavés, les slogans, la révolte étudiante, la grande grève qui a mobilisé tous les secteurs, les accords de Grenelle ! Aujourd’hui cela m’apparaît encore plus grave et la peur qui nous étreignait ne s’est pas apaisée.

    Pouvons-nous nous relever d’une telle déchéance ? Comment notre pays va sortir d’une situation aussi chaotique ? Les Présidents se succèdent sans qu’aucune solution ne voit le jour.

    Pourtant, il ne manque pas d’hommes courageux, des femmes aussi qui œuvrent pour changer les mentalités. Il faut ajouter  à cela tous les problèmes générés par l’argent, la corruption.

    Mes pensées vagabondent, je ferme les yeux.

    Un homme apparaît, les choses s’arrangent, tel une bonne fée qui agite sa baguette magique, l’ordre est rétabli. J’avais bien tort d’être pessimiste, je voulais seulement être réaliste. Les enfants jouent dans les rues, leurs cris de joie me parviennent….

    Des bruits sur le palier me tirent de ma rêverie. Ce sont mes voisins qui arrivent, ils ont participé au nettoyage du Vieux-Port, heureuse initiative qui met du baume au cœur.

    Je veux échapper à ce rêve manqué pour me souvenir de cette citation du Mahatma Gandhi :  « Vous ne devez pas perdre espoir en l’humanité. L’humanité est un océan, même si quelques gouttes sont souillées, l’océan ne le devient pas ».


    Bernadette  -  23 novembre 2017


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  •  

     

    JOHN   CHAUFFEUR  RUSSE

     

    Sous inspiration de Max du Veuzit 

     

    Il était beau, racé ; son teint clair, ses yeux bleus, ses cheveux blonds révélaient ses origines slaves.

     

    Arrivé à Paris encore adolescent, il fréquenta collège et lycée, connut même l‘université. C’était un élève brillant.

     

    Son père qui avait quitté son pays pour connaître en France une vie plus facile, n’imaginait pas que celle-ci basculerait aussi rapidement. Après son décès prématuré, John dut arrêter ses études et fut contraint de gagner sa vie.

     

    Il entra au service d’une famille bourgeoise dans une bourgade de province. Il devint le chauffeur de la jeune fille de la maison. Son éducation rigoureuse le fit accepter aisément dans ce milieu qu’il définissait lui-même  de « particulier ».

     

    La demoiselle le trouvait sympathique à souhait, puis au fil du temps elle se prit à l’admirer, il est vrai que son sourire le rendait attachant.

     

    Bientôt, elle en devint amoureuse et lorsqu’il dut s’absenter  quelques temps pour régler des affaires de famille, elle fut terriblement malheureuse. Elle comprit qu’elle l’aimait vraiment !

     

    Jusqu’où irait cet amour ?

     

     

    *

     

     

    Je dois maintenant faire mon entrée dans ce récit, y prendre ma place. Que vais-je représenter pour les participants ?

     

     

     *

     Ce jeune homme, je le voyais tous les jours, je l’avais remarqué. Ses horaires variaient en fonction des occupations de la jeune fille qu’il devait accompagner. Il arpentait parfois le trottoir pour combler son attente. Lorsque sa passagère franchissait le seuil de l’immeuble cossu,  il s’avançait d’un pas assuré, sans précipitation,  ouvrait la portière de la conduite intérieure de couleur sobre mais qui cependant ne passait pas inaperçue.

     

     La demoiselle était belle. Elle regardait cet homme une lueur d’admiration dans les yeux. Elle avait l’âge des premiers émois. Qu’attendait-elle de ce serviteur ? Souhait-elle un rapprochement, serait-il de bon ton dans la société où elle vivait ?

     

    De mon côté, il ne m’était pas indifférent.  Derrière la baie vitrée de la librairie où j’étais employée, je prenais plaisir à le voir évoluer et je dus m’avouer que je le guettais. Parfois, il ne venait pas, alors j’étais triste.

     

    Il venait examiner la vitrine et un jour il entra ! Mon cœur  s’est mis à battre très fort ; il désirait un livre en langue russe. Il revint plusieurs fois jusqu’à ce que je déniche l’objet de ses désirs.

     

    La jeune fille qui avait constaté son manège me remarqua enfin et je compris alors que je lui empoisonnais la vie.

     

    Oui, j’étais amoureuse de cet homme. Comment le séduire ? N’avais-je pas moi aussi droit à un peu de bonheur ?

     

    Il espaça ses visites à la boutique jusqu’à s’en éloigner totalement.  La jeune fille aussi avait disparu.

     

    On  parla d’espionnage. D’un homme à la solde d’un pays étranger.

     

    Je ne le crus pas. Je pensais plutôt avoir joué un rôle dans cette histoire. Un danger réel pour une idylle qui ne me concernait pas. Aurais-je précipité les choses ? Je ne le sus jamais.

     

     

     

    Bernadette – 5 octobre 2017

     

     


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  • Consigne : Deux personnages principaux dans un évènement de portée historique

     

                 

                                                                                   Des femmes

     

     

               Fendant la foule, elle progresse vers la tribune, toute auréolée de ses cheveux blonds vaporeux et de l’admiration des manifestantes qui se pressent sur la place de la République et dans les rues adjacentes, en cet automne 1972.

                « C’est elle », dit Annie, la petite secrétaire sous payée et harcelée par son patron. « Formidable qu’elle soit venue », approuve son amie Claudine qui traîne par la main les deux gamins qu’elle n’a pu laisser à personne. « Je l’aimais déjà au cinéma, la voir au milieu de nous, ça fait tout drôle » dit une vieille dame, le regard rêveur. Autour d’elles, des femmes en jean et veste afghane, des bourgeoises en manteaux bien coupés, des prostituées trop maquillées, des couples homosexuels enlacés, des filles avec leur mère, des mères avec leurs enfants, et par-ci par-là des hommes forçant leur sourire pour cacher leur gêne et manifester leur solidarité. 

                  De sa voix chaude et grave, la jeune femme blonde s’excuse auprès des participantes qu’elle doit bousculer pour avancer. A celles qui la remercient d’être là, elle répond avec un sourire modeste « Mais c’est tout à fait normal » ou « C’est notre combat à toutes ». 

               Arrivée par l’autre côté de la place, une petite brune aux cheveux longs, dossiers sous le bras, rejoint la tribune sous les applaudissements et embrasse les autres intervenantes qui ont déjà pris place. « C’est l’avocate du procès de Bobigny… Et pendant la guerre d’Algérie, la défense des militants FLN… Quel courage ! ». Gisèle Halimi fait taire les acclamations d’un geste énergique, tout en empoignant le micro pour le tendre à Delphine Seyrig qui vient enfin de s’extraire de son bain de foule.

              « Merci, merci, mais nous ne sommes pas là en tant qu’actrice ou vedette du barreau, mais en tant que femmes solidaires » précise la voix inoubliable de « L’Année dernière à Marienbad », « India Song » et autres films d’anthologie. Elle présente les autres intervenantes, laissant longuement acclamer MLF, MLAC, Mouvement des prostituées, et aussi toutes les anonymes qui se battent pour la libération des femmes. Elle parle ensuite de la petite Marie-Claire, adolescente de 16 ans, poursuivie en justice avec sa mère et trois collègues de travail l’ayant aidée à avorter à la suite d’un viol. Les slogans fusent, repris par des milliers de voix « Nous sommes toutes des avortées », « L’Angleterre pour les riches, la prison pour les pauvres », « Avortement libre et gratuit ». 

                      Dominant la place sous son bonnet phrygien, Marianne semble leur tendre pour rectification le document de bronze portant l’inscription « Droits de l’homme ».

     

     

     


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  • Consigne : Dans le cadre de l'anniversaire de Mai 68 (constat de la situation actuelle, que s'est-il passé ? ce que cela provoque en nous)

                                                             

                                                                                        Cours camarade

     

            C’est d’abord comme une rumeur, un lointain brouhaha qui s’amplifie au fur et à mesure que Nicole approche du centre ville. A la hauteur du boulevard, un petit groupe d’adolescents la double en courant, puis un autre, et encore un autre, tous porteurs de calicots enroulées sur de légers montants de bois ou de petites pancartes de carton. Elle s’arrête pour en saisir les mots. « La précarité n’est pas un métier », « Touche pas à mon APL », « Augmentez les salaires, pas les actionnaires »… Un peu plus loin, des femmes accompagnées d’enfants entonnent sur un air connu « Pour la retraite et la sécu, même l’école est dans la rue » 

            Un jeune homme rieur se retourne sur Nicole « Allez Mamie ! Avec nous ! On refait votre mai 68 ! »

           Elle sourit, n’osant lui dire qu’à vingt ans, ce n’étaient ni l’allocation logement ni la crainte du chômage qui les faisaient descendre dans la rue. Ce rêve de liberté ! Faire sauter les carcans ! Sous les pavés la plage ! Faites l’amour, pas la guerre ! L’imagination au pouvoir ! Mais le pouvoir, ce sont les banquiers qui l’ont pris, les prolos désormais appelés salariés ou collaborateurs ne savent plus contre qui lutter, les jeunes squattent leur chambre d’enfant faute de pouvoir s’inventer un avenir. L’utopie s’est diluée dans la réalité quotidienne. 

          De toutes les artères surgissent maintenant des cortèges déjà constitués, dont les slogans ne sont que le sinistre constat de la dégradation sociale et d’une volonté désespérée de survie… Et puis, au bord du trottoir, comme un souffle frais, cette banderole : « Rêve général », et un peu plus loin, « Nous ne serons jamais des winners, connard ! » 

         «  Cours camarade, le vieux monde est derrière toi », lance alors Nicole à tout hasard en forçant le pas, prise d’un fol enthousiasme. Tout juste si elle ne remonte pas son foulard sur le nez, tout en cherchant du regard les derniers pavés  échappés au macadam. « Ce n’est qu’un début, continuons le combat » reprend une voix, puis une autre, et une autre encore.

     

     

     


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  •             LA DERNIERE FUGITIVE

                                                                                       Tracy CHEVALIER

     

     

    Deux jeunes Anglaises, Honor et Grâce  partent pour l’Amérique rejoindre le fiancé de Grâce.

    Gràce meurt quelques jours après son arrivée avant même d’avoir rejoint son fiancé.

    Honor  reste et s’installe dans le village.

    Rencontre et cohabitation avec une jeune couturière mais rencontre et angoisse avec un cavalier qui arpente le pays à  la recherche des esclaves noirs qui s’évadenrt et tentent de rejoindre Cleveland, localité qui se trouve de l’autre côté de la frontière, dans l’Etat antiesclavagiste où ils seront en liberté.

    Honor protègera et aidera une femme à atteindre et franchir la frontière.

     

    Cette jeune fille me fait peine.

    Il n’y avait que quelques heures que nous avions quitté le port de Marseille que, déjà, accoudée au bastingage, je la voyais, pâle, un mouchoir sur la bouche : le mal de mer !...

     

    Nous avions à vivre des jours et des jours avant d’accoster sur la terre américaine !

    Je lui ai proposé les herbes à tisane que ma grand mère avait glissées dans mes bagages :

    -Si tu  es malade sur le bateau.

    Et notre amitié est née et a duré.

     

    Le voyage s’est terminé et nous ne nous sommes pas quittées : dans l’inquiétude, l’angoisse et le chagrin :  Grâce est morte.

     

    Je suis restée auprès d’Honor.

    La couturière du village m’a embauchée.

    Je participais à la vie des villageois qui m’avaient adoptée ; sauf un, le cavalier Donovan.

    Dès la première rencontre, les présentations faites, le rictus mauvais au mot « esclave » dit avec haine, quand j’ai parlé de cette femme qui m’avait demandé la route de Cleveland.

    -       Vous me le direz si vous en rencontrez d’autres.

    -        Bien sûr que non, me suis-je pensé.

    De ce jour, je fus attentive : quand la nuit venait, je guettais : c’était une femme , un enfant dans les bras, c’était un homme déjà âgé, fatigué, c’était un jeune, énergique et rapide…

    Je les attendais, des victuailles  plein mon panier.

    Et je leur montrais le chemin.

     

    J’avais trouvé une cachette dans les buissons, pour me mettre à l’abri dès que j’entendais

    le battement des sabots du cheval de Donovan.

     

    Il n’a jamais su…


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  • Consigne : une chambre où j’ai dormi

     

    L’évocation de ce nom me fait encore rêver ! J’attendais beaucoup de cette croisière que j’avais choisie pour sa simplicité, jugeant trop sophistiquées,   celles qui se déroulaient en mer et puis, la vue de ces grands paquebots impersonnels, m’effrayait un peu.

    Partie embarquer à Strasbourg pour voguer sur le Rhin, je devais au cours de ce voyage découvrir des villages et des villes à l’abord desquelles le bateau ferait escale pour les visiter.

     

    Je fus un peu surprise en prenant possession de la cabine qui allait être ma chambre durant mon séjour à bord. Située au pont supérieur, il n’y avait point de hublot mais une grande fenêtre qui me permettrait d’admirer le paysage.

    J’observais la couchette, soignée, recouverte d’un dessus-de-lit chatoyant ; les murs décorés de photos reproduisant les sites que j’allais découvrir au cours du voyage. Dans un angle, dissimulé sous un rideau léger, un coffre-fort, je n’en avais jamais vu ! Un plafonnier en forme de fanal d’une époque révolue dispensait une lumière douce et pâle.

     

    Un parfum léger, discret, flottait dans ce lieu qui me devint vite familier. La soirée fut gaie, animée par un équipage jeune, dynamique, qui savait mettre tout en œuvre pour nous divertir.

     

    Revenue dans mon petit logis, je découvris avec bonheur le charme d’une nuit à bord. Je tardais à m’endormir ; peu de bruit, cependant le moteur du bateau, même au ralenti ne pouvait se faire oublier. Quelques pas dans la coursive attestaient du retour des passagers regagnant leur cabine, certains chantaient. De légères vagues venaient frapper la coque du bateau d’un rythme régulier.

     

    Par l’ouverture vitrée, je regardais l’eau du fleuve paisible que des rayons de lune illuminaient. Parfois, à l’approche d’une cité, les lampadaires éclairés faisaient apparaître des rives verdoyantes, fleuries, des monuments qui s’offraient à mes regards émerveillés. Une lumière filtrante pénétrait à l’intérieur.

    Je m’endormis enfin, en pensant que depuis longtemps je souhaitais ce décor ; au cours de mes nombreux voyages je n’avais jamais occupé un endroit aussi douillet ; je trouvais cette cabine accueillante et paisible, dépouillée pourtant, sa petitesse ne tolérant que peu de fantaisie. Parmi toutes les chambres où j’ai dormi précédemment, c’est elle qui m’a le plus émerveillée.

     

    Au réveil, un sentiment étrange m’envahit. Je ne sais pas très bien où je suis. Même sortie du sommeil, je suis encore bercée par le mouvement lancinant de l’embarcation. Je songe soudain à la suite du voyage qui promet d’être un ravissement. Bientôt le « Princesse Sissi » va s’immobiliser, les passagers vont visiter Heidelberg la ville à la célèbre Université sur le Neckar. Demain, ce sera Mannheim !...

     

    Bernadette   -   21 septembre 2017


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