• La vengeance d’Emilien TROUBAT - Bernadette - Juin 2015

    Le village de St. Marcel, ils le connaissent bien ; ils y passent souvent pour se rendre à Aubagne. C’est au cours d’une promenade pédestre, qu’Emilien entraîne sa jeune épouse Frieda découvrir le lieu où a vécu sa grand-mère, il y a bien longtemps.

    • « Nous allons passer sur le pont du canal, emprunterons le chemin pierreux à l’orée du bois ; nous serons vite rendus.

     

    • « Crois-tu que cette route goudronnée se perd dans la nature » ?

    demande Fridda, étonnée de se trouver dans un lotissement.

    Jusque-là,  le parcours n’a subi que peu de changement ! Mais Emilien se rend à l’évidence, il ne reconnaît plus rien ! Du chemin bordé de ronciers aux mûres succulentes qu’il cueillait en sautillant, aucune trace ; disparue l’ancienne carrière où jouaient des nuées d’enfants. Seule la croix au sommet du mont St. Cyr rappelle fidèlement aux habitants leur libération pour laquelle ils l’ont érigée.

    Rien désormais, ne laisse deviner qu’une maisonnette ait pu exister à cet endroit, avec son petit jardinet que mémé Paulette cultivait avec tant de soin ; et le poulailler ? le clapier ? Pourtant c’est bien là qu’elle a élevé seule son fils François ! Même l’odeur des résineux a disparu ; les cigales se sont tues. Perdu sous une épaisse frondaison, le château « maudit », ainsi que le nommait sa grand-mère, n’est plus visible.

    • « Pourquoi  maudit » ? interroge Frieda
    • « sûrement parce qu’il lui rappelait la guerre, sa réquisition par l’armée allemande et son occupation », répond Emilien.

    Tout enfant, il a souvent questionné sa grand-mère sur sa jeunesse, sa vie dans ce coin retiré. Elle feignait de ne pas l’entendre et ne répondait jamais à ses questions, préférant se taire, éludant de son existence ce passage douloureux qu’elle ne pouvait oublier, se réfugiant derrière cette phrase : « c’était la guerre » !

    Emilien cherche, en vain, ce qui aurait dû lui rappeler son enfance. Il s’en émeut, s’en excuse auprès de Frieda

    Désormais, il continuera à ne retenir de ce lieu, que le regard triste de sa grand-mère aux yeux délavés par les larmes qui avaient creusé sur ses joues, de profonds sillons ; son dos voûté pas seulement par le poids des ans, mais par ce terrible secret, qu’elle a porté toute sa vie…

     

                                       -o-o-o-o-o-

     

     

    Les parents d’Emilien, François et Claudette ont choisi de demeurer à St Loup après leur mariage en 1967. Le jeune marié, ébéniste de son métier, ayant trouvé du travail chez un artisan, Monsieur ARNAUD.

    Emilien est né dans cette bourgade en 1970. Il y passe une enfance heureuse dans une famille modeste mais chaleureuse. Il fréquente l’école primaire du quartier où il est un bon élève. Son tempérament vif, voire belliqueux, supporte difficilement les plaisanteries de ses camarades qui l’appellent « le norvégien » à cause de ses cheveux blonds et de ses yeux bleus  hérités de son père.

    Son père, il l’admire, sans trop savoir pourquoi, peut-être pour sa rigueur et sa patience. Emilien se demande souvent pour quelles raisons ses lectures sont axées essentiellement sur les récits de la seconde guerre mondiale. Il paraît avoir une prédilection pour cette époque. Dans les rayonnages de sa modeste bibliothèque, se trouve en bonne place un livre sur la Bavière offert par son épouse ; il le feuillette souvent.

    A son entrée au collège, sur ses conseils, Emilien apprend la langue allemande. Ses études terminées, le CAPES en poche, il devient professeur d’Allemand au Lycée Marcel Pagnol à St Loup.

    Il rejoint parfois Robert, un camarade connu à la Fac qui habite Aubagne. Ensemble, ils partagent les mêmes passions, l’escalade et les randonnées dans les calanques marseillaises. Robert lui parle parfois d’Amélia.

    Emilien pratique le judo ; aime la grande musique. Il se plait à passer de longs moments dans sa chambre pour méditer et réfléchir. Pourquoi sa grand-mère s’était-elle refusé de parler de sa jeunesse ? Pourquoi son père est--il muré dans un silence déconcertant, semblant cacher une blessure qu’il ne dévoile pas.

    I

     

    François est gravement malade. Il se remémore ce que sa mère Paulette, lui a révélé le jour de ses seize ans, il décide qu’il est temps d’en informer Emilien : 

     

    • «J’avais dix-huit ans en 1943. Malgré une époque difficile, en pleine occupation, comme toutes les jeunes filles, je rêvais au Prince Charmant. Comment le rencontrer dans ce coin de colline où seul le travail comptait ! Un jeune soldat allemand, dont la garnison était basée au Château de Forbin, réquisitionné, passait tous les jours devant notre maison, une petite distance nous séparait.
    • Nos rencontres devinrent journalières, assidues, préméditées. Il était très beau ; nous étions amoureux. Nous avons échangé nos photos, il me parlait de son pays, de la beauté des Alpes bavaroises.
    • A la suite de cette relation, un enfant s’est annoncé, c’était toi. Apprenant l’évènement, Hans, c’est ainsi qu’il se nommait, a disparu ; je ne le revis jamais. A ta naissance, j’ai cru bon de dire que ton papa avait été tué au combat.

     

    J’ai tellement pleuré. Mais c’est en 1945 que je subis un affront cuisant, mon crâne a été rasé ; c’était le sort qui était réservé aux jeunes femmes qui avaient eu des relations avec l’ennemi. Mortifiée au plus profond de mon cœur, je garde un souvenir amer de ces quelques mois de bonheur payés si cher ».

     

     

                François, épuisé, eut le temps de remettre à Emilien un papier sur lequel étaient griffonnés quelques noms : Hans WURTZ, Obérau, lac Walchensee. Puis, demandant à son fils de faire ce que lui n’avait pu réaliser « venger sa mère », il l’embrassa et rendit le dernier soupir.

    Emilien accablé, affligé par cette terrible nouvelle, tient enfin la clé de l’énigme. Il lui appartient maintenant de venger cette grand-mère qui a tant souffert. Qui doit payer ? Celui ou celle qui lui a rasé le crâne ou ce soldat qui l’a déshonorée ? Il doit être bien vieux s’il est encore en vie, songe Emilien !

                Il décide de se rendre en Bavière. Il maitrise la langue. Il y fera de la randonnée, cherchera à obtenir quelques renseignements sur cette famille.

     

                De ce projet, il en parle à ses amis, Robert et Amélia ; il sait qu’il peut compter sur leur discrétion ; Amélia est une « brave » fille. A son tour, elle lui raconte que sa grand-mère, elle aussi, a eu un enfant d’un inconnu français. Après avoir perdu tous ses biens pendant la guerre civile espagnole de 1936, où ses titres de propriété ont été brûlés, elle est venue en France, dans le Languedoc.

                Emilien, scandalisé par ce récit, incite ses amis à rechercher au cadastre du village de ROSAS en Espagne, le propriétaire de ces parcelles acquises indûment.

     

    Ainsi qu’il l’avait décidé, Emilien trouve le village d’Obérau. Il interroge discrètement les habitants, sans en obtenir cependant des renseignements concrets !

    • « Des soldats se sont-ils rendus dans le midi de la France, au cours de la guerre 39/40 ? en sont-ils revenus ? »

     

    Il confie à Frieda, la jeune fille qui gère l’Office du Tourisme, qu’il trouve charmante, que son oncle avait connu un certain Hans WURTZ à qui il fournissait discrètement un peu de vin, (pure invention) pendant l’occupation et qu’il serait heureux de le voir. Ils échangent leurs adresses. Frieda lui promet de l’aider dans ses recherches ; tâche qu’elle croit être noble.

     

                La jeune fille écrit à Emilien pour lui faire part du résultat de ses investigations.

                Hans WURTZ est bien natif du village d’Obérau. Orphelin, il a grandi auprès d’une tante qui l’a recueilli ; c’est la raison pour laquelle, à l’âge de dix-huit ans, il s’est engagé dans l’armée.

    Après sa démobilisation, il a travaillé à Munich. Depuis sa retraite, il est gardien d’un refuge éloigné dans les Alpes bavaroises.

    Est-ce possible songe Emilien ? Cette nouvelle le remplit d’aise. Si cet homme est celui qu’il cherche, il peut accomplir ce qu’il a promis à son père en l’entraînant dans une ballade dont il ne reviendra jamais. Ces montagnes aussi dangereuses que belles, ne sont que dédales de crevasses et de rochers.

    Après une longue marche, Emilien arrive au refuge « l’EDELWEIS », perdu dans ces montagnes inhospitalières. Il entre. Sur un mur, recouvert de cartes postales, il découvre une photo dans un médaillon, identique à celle qu’il avait vue si souvent chez son père : « sa grand-mère ».

    -------------------------

                Il ne peut retenir son émotion et quelques larmes roulent sur ses joues. Un jeune homme dans le refuge lui dit que le gardien Hans WURTZ absent ce jour-là, sera là dans quelques jours.

    Emilien revint. Il trouva le refuge désert, l’occupant avait disparu emportant la photo. Hans WURTZ renseigné sur les recherches effectuées par ce touriste marseillais, le trouva bien curieux, douta de sa bonne foi, lui prêtant même de mauvaises intentions puisqu’il avait découvert l’homme qu’il cherchait ; il prit peur et s’enfuit.

     

    On le retrouva une semaine plus tard, sur un glacier, tenant dans sa main le médaillon. Il avait cessé de vivre.

    Emilien revint à Oberau, pour épouser Frieda.

     

    FIN DE LA PREMIERE VERSION

     *

    DEUXIEME VERSION :

    A partir des --------------------

     

                Emilien ne peut retenir son émotion et quelques larmes roulent sur ses joues. Soudain, l’homme tant recherché, un vieillard, apparaît sur le seuil ; voyant Emilien bouleversé, il s’empare du médaillon, sort du chalet précipitamment, s’enfuit aussi vite que ses vieilles jambes le lui permettent. Il veut fuir ce jeune homme venu sûrement pour le surprendre, assouvir une vengeance qu’au cours de sa vie il a toujours imaginée et redoutée.

                Arrivé sur le glacier, au bord d’une crevasse, Hans s’arrête, il sait qu’il va mourir, serre fortement le médaillon sur son cœur. Emilien le rattrape enfin, il ne sait comment faire, il craint de manquer à la promesse faite à son père s’il laisse la vie sauve au fuyard. Celui-ci lui dit qu’il a toujours aimé Paulette, qu’il ne l’a pas oubliée et qu’il regrette de l’avoir abandonnée.

                Emilien est perplexe. Il voit l’homme glisser doucement vers la crevasse, il ne peut l’aider ; il lui révèle qu’il est son petit-fils ; son regard se fait doux, compatissant. Hans lui sourit enfin, dans les yeux d’Emilien, il lit le pardon.

    Emilien revint à Obérau pour épouser Frieda.

     

    Bernadette -   mai / juin 2015

     

    (Robert et Amélia sont des personnages importants du récit de Josette)


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