• La mariée était en noirC'est une photo en noir et blanc. D'autant plus noire que la plupart des protagonistes sont vêtus de sombre et que les sourires sont rares. Seule la gabardine de mon père et de mon oncle font des taches plus claire dans ce groupe familial. Et aussi le petit bouquet, épinglé par la mariée au revers de son manteau… noir. A sa droite, le marié en pardessus et chapeau…noirs, incline légèrement la tête vers sa nouvelle épouse,  mais une petite fille en manteau…sombre, s'est glissée entre eux : c'est moi, accrochée à chacune de leurs mains, et dont la tête levée vers ma grand-mère du bas de mes cinq ans, a créé un léger flou. Le marié semble avoir été rajouté sur le côté de la photo, comme si sa présence n'avait pas été prévue dans le grand livre de la vie. La manche droite de son manteau, qui flotte dans le vide, atteste du miracle qui l'a tiré des tranchées de la guerre 14 pour l'amener jusqu'ici. Sur son visage aussi grave que celui de la mariée, s'invitent des souvenirs qui brouillent le tableau de noce.

    Pourtant, le nouveau couple vieillira doucement et amoureusement pendant une trentaine d'années encore, retrouvant peu à peu la force de sourire franchement à la vie.

     


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  • Mémé manquanteMais pourquoi mémé Zizou, mon arrière-grand-mère adorée, n'est-elle pas sur la photo aux côtés de la mariée ? Elle avait accompagné tout au long de sa vie cette enfant née de père inconnu, à une époque dure aux  "filles mères". Pour la protéger le plus longtemps possible, elle avait toujours travaillé chez les mêmes patrons que sa petite. Elle ne s'était jamais mariée et avait aidé à élever petits enfants, arrière-petits enfants, neveux et nièces avec la même patience et la même tendresse.

    Je l'imagine sur la photo. Elle se serait mise un peu en retrait, elle aussi, car elle ne voulait jamais imposer sa présence, solidement campée sur ses deux jambes dans son éternelle robe noire, tenant contre elle son petit sac à mains, telle qu'elle apparaît sur une autre photo de l'époque. Son doux sourire aurait illuminé la scène.

    Dans ces années cinquante, elle devait avoir près de 70 ans et pour n'être à la charge de personne, elle travaillait toujours comme cuisinière en "maison bourgeoise" comme elle disait. Cuisinière. Mais bien sûr, elle n'est pas sur la photo car elle devait préparer le repas du mariage. L'ôdeur de ses gâteaux me met l'eau à la bouche…et la nostalgie au coeur.


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  • A la façon de... (de très loin...)

    Je voudrais pas crever avant d'avoir

    côtoyé les dauphins d'un lagon de turquoise

    parcouru les déserts sous un soleil ardent

    chevauché un pur sang dans les plaires d'Oural

    grimpé jusqu'aux sommets des blancheurs tibétaines

    plongé en baie d'Along revenue à la paix

    hurlé avec les loups des Alpes et des Abruzes

    et avec tous les damnés de la terre.

    Je voudrais pas crever avant d'avoir connu

    les lendemains qui chantent.

     

    Taomé, la petite Tahitienne était sortie de mon livre d'images, m'avait prise par la main et entraînée vers son village. Nous avions bu le lait clair de noix de coco géantes, dansé sur la plage dans l'ôdeur entêtante des fleurs de tiaré, écouté le vent souffler dans les palmiers et les singes en cadence frapper les callebasses. Au bord du lagon, nous attendaient  les dauphins aux yeux doux. Ils nous ont escortés jusqu'aux blanches barrières de corail. Puis au delà. En ces lieux éternels où nul ne peut jamais  refermer les livres d'îmages.

    Je voudrais pas crever…avant d'avoir rêvé.


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  • Nicole devait avoir trois ans, j'en avais deux de plus. Petite boule emmitouflée dont je sens encore dans ma paume la chaleur duveteuse, dont j'entends le rire confiant et les petits cris de joie. Elle chevauchait mon cheval de bois à grandes roues, accrochée au guidon,  pendant que je la poussais et la maintenais à grand peine dans les allées pierreuses du jardin, trop attentive pour voir le photographe.

    Le cheval dénommé Riquet est maintenant figé dans l'entrée de la maison, sa peinture écaillée a été rafraîchie, sa crinière mitée a été remplacée. Les visiteurs interrogent, admirent son allure. Les plus anciens convoquent les souvenirs.

    La photo est perdue

    Et Nicole est partie.

     


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  • Une journée de vrai bonheurComment espérer la réalisation d’un rêve le temps d’une journée longuement préparée, organisée pour qu’elle soit parfaite, procurant un bonheur intense, alors que je sais pertinemment que celui que l’on écrit si perfidement avec un grand “B” n’existe pas. Je peux toujours espérer, si pour une fois il se produisait.

    Dès le matin, j’ouvre ma fenêtre, le soleil est absent ! Se lèvera-t-il ?

    La toilette que je souhaitais porter est froissée, comment ne m’en suis-je pas aperçue plus tôt ? Il faut en choisir une autre ou la repasser, je vais perdre du temps.

    Je quitte la maison dans la grisaille. J’espère beaucoup de cette journée. Celle où je vais retrouver une amie très chère, absente depuis si longtemps. Je vais l’accueillir à sa descente du train. Chose imprévue, celui-ci a du retard, un retard important. Ma joie est contrariée. L’heure du repas réservé va-t-elle être respectée ? Et notre promenade en bateau le long des calanques imaginée sous le soleil, revêtira-t-elle le charme espéré ?

    Voilà qu’il pleut ! Décidément, rien ne se passe comme je l’avais prévu !

    La journée se déroule dans un enchaînement de contretemps. Je ne l’avais pas rêvée de cette façon.

    Je reste sur ma faim de bonheur sans nuages. Je tiens la preuve qu’il se dérobe.

    Cependant, je découvre que tous ces aléas ont finalement peu d’importance ; j’ai éprouvé des joies simples dans l’amitié partagée.

    Je sais désormais que la vie est faite de petits bonheurs ; parfois, ils sont à peine perceptibles ; il faut les découvrir, y croire surtout comme pendant la pluie on croit au soleil car il revient toujours.

    Une belle journée tout de même, qui ne m’empêche pas de continuer à rêver.

     

    Bernadette – Février 2013

     


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  • Le ventC’est le grand calme. Une mer étale dans son immensité. Un ciel qu’aucun nuage ne pâlit. Qui pouvait se douter que déjà dans les abysses, les vagues de fond travaillent, fomentent un soulèvement.

    Il faut peu de temps pour que de minuscules crêtes d’écume blanche fassent leur apparition, se multiplient rapidement sous la force du vent puissant qui grossit le phénomène, amenant vers le littoral la houle déferlante à l’assaut des rochers, les dépassant, franchissant les digues, menaçant les promeneurs curieux et imprudents venus voir le spectacle. Dans de petites criques, se croyant à l’abri, les petits bateaux sont malmenés, frêles comme des coquilles de noix.

    L’arrière-pays n’est pas épargné. Ses forêts ancestrales impuissantes semblent abandonner leurs futaies centenaires au déferlement du vent qui n’hésite pas à couper leurs branches allant jusqu’à les déraciner !

    Lors du passage à l’an 2000 cette tempête nous a obligés à renoncer au Réveillon préparé depuis longtemps ! Plus de courant, plus de téléphone, donc aucune sécurité. Il a fallu abandonner le lieu. Le lac qui prenait des allures de mer déchaînée était désormais hostile ; les tables et les sièges installés pour notre détente s’envolaient sous nos yeux comme des fétus de paille. Au-dehors, il fallait se tenir, faire bloc, ne songer qu’à se mettre à l’abri.

    Comment imaginer qu’après ce chaos, les éléments déchaînés vont enfin s’apaiser, retrouver le calme, leur colère apaisée ?

     

    Bernadette – Janvier 2013


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  • Le vieux couteauC’était un vieux couteau, un couteau de paysan. Son propriétaire ne s’en séparait jamais. Il comportait outre une lame tranchante, quelques accessoires d’une grande utilité. Bien fermé, il trouvait sa place au fond d’une grande poche du pantalon en veloirs de mon grand-père dont il était à la fois le compagnon et le serviteur.

    Au moment du repas, posé sur la table familiale, il prenait toute son importance. C’était lui et lui seul qui traçait sur le pain le signe de la croix avant de le découper pour être distribué.

    Le dîner terminé, il regagnait sa cachette. Il servait à tout. Il devenait tour à tour tournevis, poinçon, traceur, découpeur. Il ciselait des écorces rousses que grand-père avec habileté nous transformait en petits bateaux ; les roseaux devenaient des arcs, des flèches et même des cannes à pêche. En automne, il ouvrait les noix, dégustées avec tant de plaisir.

    Le soir venu, lorsque le maître fatigué par une dure journée de labeur, s’asseyait enfin dans un fauteuil bas devant l’être pour s’adonner à sa passion favorite : la lecture, il devenait coupe-papier.

    Il était l’objet de beaucoup de soins. L’affûtage était très important. Pour cette opération, il y avait de quoi se poser des questions. Grand-père ne pratiquait jamais cette besogne devant nous, pour laquelle il se rendait dans l’écurie où un mince filet d’eau coulait dans un petit ruisseau qui fuyait au-dehors. Sachant que l’eau était nécessaire à l’aiguisage, nous pensions qu’issue d’une source, elle détenait peut-être le secret du tranchant du fameux couteau ! Nous ne l’avons jamais su. Grand-père est décédé, laissant son précieux compagnon au fond du tiroir de la table de la cuisine, abandonné, gardant son secret.

    Peut-être avait-il l’intention de nous le dévoiler un jour ? Alors pourquoi ne pas l’avoir dit avant ?

     

    Bernadette – Janvier 2013


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  • Il nous attendait sur la crête.

    Tout le long de la montée, on l'entendait hurler ; mais il semblait loin  ; il ne paraissait pas menaçant. Par moments, même, ses cris de rage se transformaient en bruissements doux. Il nous accompagnait. Il murmurait...

    La montée en devenait douce.

    Le premier marcheur fut frappé et jeté à terre au premier pas qu'il essaya de faire en voulant enjamber le haut de la pente.

    Il recevait des coups redoublés qui l'empêchaient de fermer son anorak ; d'attacher son capuchon.

    Il ne put rien faire pour retenir par la lanière la housse de son appareil photo.

    Le vent têtu et mauvais la lui arracha et l'emporta...on aurait pu croire plus loin que l'enfer.


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  • PapillottesAu retour de la messe de minuit, l’estomac passablement alourdi par un souper copieux, l’oncle Louis s’est attablé à nouveau, pour déguster, selon la tradition, quelques friandises abandonnées ça et là parmi les treize desserts. Le voici bien décidé à libérer sa gourmandise devant un sac de papillottes colorées. Sous prétexte de connaître les les pensées et les “blagues” qu’elles contenaient, il était donc obligé de les consommer.

    Le vin cuit ne facilitant pas la digestion, le voilà incommodé, la sueur perlant sur son visage. Son épouse, femme moderne, avisée, tira de son sac un paquet de mouchoirs en papier qui furent les bienvenus! Il les utilisa tous. Son état ne s’améliorant pas, l’air semblant lui faire défaut, la cousine Jeanne, à son tour, tendit un superbe éventail aux couleurs chatoyantes, ramené d’un récent voyage en Andalousir!

    Grâce à cette ventilation de secours, notre oncle retrouva enfin un teint plus rosé, plus reposé, mais jura après avoir frôlé l’apoplexie, que des papillottes, il n’en consommerait plus, tout au moins... jusqu’au prochain Noël!

    Bernadette – 10 janvier 2013


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  • Mes téléphonesJe me souviens du téléphone mural, noir, dans un angle du hall d’entrée de notre appartement. J’avais dix-sept ans. La première fois que retentit sa sonnerie c’était pour annoncer à mes parents que leur premier petit-fils était né ; une grande joie !

    Je vivais ce changement dans notre vie avec émotion, repensant comment s’organisaient les différents évènements de notre existence avant son apparition. Si un enfant était malade, il fallait se déplacer au domicile du médecin pour solliciter sa visite. On se rendait chez l’intéressé pour annoncer une bonne ou mauvaise nouvelle. Je revois mon oncle Guillaume, venu de la Valentine en tramway pour nous faire part du décès de tante Joséphine. On ne pouvait communiquer avec la parenté, mes oncles et tantes ne possédant pas cette commodité. Les lettres, les télégrammes seuls nous reliaient. Puis il entra dans les mœurs ! Cependant, nous n’en abusions pas. On disait l’essentiel, sans long discours ; les mauvaises nouvelles étaient annoncées souvent discrètement, à mots couverts ; les bonnes, avec plus de légèreté.

    Certaines personnes, surtout les plus âgées, semblaient en avoir peur, peu loquaces, réticentes devant l’appareil au déclenchement de la sonnerie. Il est vrai qu’elle troublait notre intimité. La liste rouge n’existait pas encore.

    J’étais loin de penser qu’un jour je possèderais un téléphone minuscule, sans fil, qui me libèrerait d’une angoisse, d’une inquiétude lors de mes déplacements seule, en voiture, m’apportant ainsi une certaine sécurité. Pouvoir communiquer avec ses proches tout en restant discrète.

    Et les petits-enfants, les jeunes en particulier qui en font un usage permanent ? Que faut-il en penser ? Que peuvent-ils se raconter ? Toujours cet appareil dans les mains comme nous trouvions autrefois notre porte-monnaie ou notre mouchoir !

    Que penser des utilisateurs dans les supermarchés, appelant leurs épouses pour connaître quelle sorte de pain ils doivent acheter. Sur les trottoirs on entend des conversations de solitaires qui téléphonent avec un kit mains libres. On s’habitue certes, mais c’est tout de même étrange. Ces gens qui racontent leur vie, parlant fort, faisant même des gestes ! Dans les bus, même processus !

    Dans quelques années, les jolies cartes postales choisies avec tant de soin ; celles pour adresser nos vœux pour différentes circonstances, existeront-elles encore ? Les mots d’amour ou d’amitié auront-ils la même saveur que lorsqu’ils fleurissent sur un beau papier ? Je regrette parfois mon vieux combiné de bakélite noire ; une autre époque !

    Bernadette - Janvier 2012


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  • lac sainte-anneC’est le calendrier qui fixe la date de la fête au cours de la deuxième quinzaine du mois de juillet.

    La journée est prometteuse ; il faut partir tôt. Nous voici mêlés aux nombreux véhicules sur cette route de montagne sinueuse, enveloppée de brume. Nous trouvons une place dans l’un des parkings entre les mélèzes, sommairement aménagés pour la circonstance ; les derniers arrivés devront se garer loin sur la route.

    Les portières s’ouvrent libérant une foule joyeuse. Les parents, les amis en grand nombre sont fidèles au rendez-vous. Des coffres nous sortons nos sacs à dos, nos chaussures de marche et nos bâtons. Le froid est vif ; quelques jeunes imprudents peu couverts, tirent de leur sac un vêtement chaud et s’élancent déjà sur les sentiers. Quel joyeux tumulte.

    Des groupes d’enfants, dont pour certains c’est le premier contact avec la montagne. Des pèlerins de tous âges : montagnards aguerris aux pas sûrs et réguliers nous devancent déjà. Des bergers d’un grand âge aux visages burinés, appuyés sur leur canne qui pour rien au monde ne manqueraient ce rassemblement annuel.

    La forêt semble enchantée, totalement habitée. Aux murmures des grimpeurs se mêlent les parfums des rhododendrons et des lis martagon. Soudain, elle disparaît, faisant place à la moraine qui dévoile une multitude de petits sentiers où se pressent des groupes joyeux.

    Au sommetApprochant du sommet, nous apercevons la croix, la toiture et la chapelle tout entière. Le plateau est occupé par une foule qui s’active. Organisateurs, techniciens, accessoiristes venus en 4 x 4. Les musiciens placent au mieux les cors des Alpes qui vont donner à la cérémonie plus de solennité.

    Les prêtres revêtus de leurs vêtements sacerdotaux, mes porteurs de bannières vont accueillir un groupe imposant venu de la vallée voisine derrière le col, pour se joindre à nous.

    La cérémonie fervente se termine, la foule se disperse. Certains se rendent au bord du lac. La plupart préparent le pique-nique. Déjà on porte des toasts, on partage le repas dans la joie et l’amitié.

    L’après-midi, des jeux sont organisés pour les enfants. Mais la montagne reprend ses droits, le ciel s’obscurcit, il faut redescendre.

    Joyeusement la foule se met en route, certains chantent. C’est l’arrivée au parking. L’émotion est palpable ; on s’embrasse espérant se revoir l’année suivante.

    Quelle belle journée !

     

    Bernadette - Décembre 2012

     

    (C’est le 26 juillet, fête de Ste-Anne dont la petite chapelle surplombe le lac du même nom, quelque part dans les Hautes-Alpes là où les vallées du Queyras et de l’Ubaye se rejoignent.)


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  • C'était un vieux couteau, un couteau de paysan.

    Il avait sa place au fond de sa poche, de ses poches, car il suivait les changements de tenue, passait de la poche du pantalon du costume trois pièces, à la tenue de détente, survêtement, pantalon velours de randonnée, pantalon léger pour les tenues d'été. Il était toujours là et lui, pouvait le toucher. Maintes fois, ce couteau l'avait rassuré, l'avait ému en pensant à ce jour où son grand père, solennellement le lui avait donné : cadeau unique, cadeau symbolique :

    -"Souviens-toi que c'est un couteau de paysan."

    Et lui, se souvenait.

    Partout, en toutes circonstances : sur les bancs de l'Université, dans les réunions qui rassemblaient les personnalités dont il faisait maintenant partie ; au moment où il devait prononcer un discours.

    Et ce jour-là, jour de l'inauguration de la salle des Fêtes de la commune dont il était le maire.Debout, devant le ruban à couper, il est là ; la main au fond de sa poche, immobile, silencieux

    Il y a de quoi se poser des questions.

    Une assistante lui tend les ciseaux. Le public attend, observe.

    Et lui, sort  alors le couteau de sa poche.

    -" C'est avec ce couteau que je couperai le ruban : c'est un vieux couteau ; un couteau de paysan;

    Pourquoi ne pas l'avoir dit avant dit son premier conseiller .

    Et tout le monde applaudit.

     


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  • 14 juillet 1965. la maison est prête. Nous emménageons à Routelle.

    Dans  la salle à manger encore vide, posé sur une chaise : le téléphone, installé quelques jours auparavant.Premier objet à habiter dans notre nouvelle demeure. Objet animé par la voix de l'opératrice ou de l'opérateur, toujours les mêmes avec qui, peu à peu les conversations étaient devenues amicales, avant que la communication s'établisse : nous étions le 90 à Gèmenos


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  •  Dans les années 45, nous n'avions pas le téléphone à la maison. Notre relais, quand, vraiment, la necessité l'imposait, c'était le magasin de notre cousin Titin, qui, lui, l'avait.

    J'étais au collège à Marseille.

    Un jour de grève des trams :

    -"Venez dans mon bureau, me dit la directrice, et téléphonez à votre cousin. Vous allez dire :

    Veuillez avoir l'obligeance de demander à mon père de bien vouloir venir me chercher à l'école : les trams sont en grève."

    Je m'exécute.  La cousine Adrienne a mis du temps à réaliser que c'était vraiment moi qui lui parlait !

     

    Suppléante dans l'enseignement primaire, c'est un télégraphiste qui m'apportait un télégramme m'indiquant à quelle heure je devais aller à la Poste pour entendre l'appel de l'Inspection Départementale me disant dans quelle école je devais me rendre le lendemain pour faire un remplacement.

     

    14 juillet 1965


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  • "Oulipo boule de neige"

     

    A

    LA

    FIN

    NOUS

    AVONS

    CHANTE

    MADELON

    ENSEMBLE

    CAVALIERS

    VOLTIGEURS

    TIRAILLEURS

    COMPLETEMENT

    DECONTENANCES

     

    Jean-Paul - 10 janvier 2013


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  • Fleur bleueCette fois, elle était belle et bien partie. Sans éclat. Comme ça. Presque sans rien dire. Elle s’était levée comme la veille. Douchée. Habillée. Nous avons bu un café. Et puis elle m’avait demandé de lui rendre la clé de chez elle qu’elle m’avait donnée quelques mois plus tôt. Elle avait retiré la clé du porte-clés publicitaire auquel je l’avais accrochée. Un vieux porte-clés Avia en plastique que j’aimais bien. Elle avait reposé le porte-clés sur la table du salon. J’avais voulu poser des questions. Entendre des réponses. Elle avait dit que non, pas de questions, pas de pourquoi, de comment, de mais. C’était comme ça. Elle n’avait rien à dire. Ne voulait rien entendre. Elle a passé sa veste et la porte. Je suis resté devant mon café qui refroidissait, mon porte-clés et le point Top Pizza découpé la veille dans le carton de la moitié-moitié anchois-mozza que j’avais fait monter. Plus tard, j’ai trouvé sous le fauteuil la fleur en tissu bleu tombée de sa veste. Même pas rouge. Même pas un coquelicot qui aurait fait une jolie tache sur mon cœur. Une fleur bleue. Ça tombait mal. Je me suis dit qu’elle n’aimait peut-être pas les anchois.

    Jean-Paul - 10 janvier 2013


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  • La dispute20 000 personnes sur la place du Capitole.

    La déambulation dans les rues de Toulouse s'achève. Contre la façade, un groupe d'animateurs installent, sur la tribune, micros et sonos pour les discours et les chants qui vont cloturer la manifestation.

    A l'arrière de la foule, une femme, sur un fauteuil roulant, observe.

    Un cri de surprise. Retrouvailles! Une amie de longue date se précipite vers Odette, la personne handicapée :

    - Odette! Ca fait tellement longtemps qu'on ne s'est plus vues!!!

    - Tu sais si Georges B est là ?

    - Je ne sais pas. Si on faisait une annonce au micro ?

    - C'est une bonne idée.

    - Je vais essayer de traverser la foule pour aller jusqu'à la scène où sont les animateurs.

      Pardon, laissez-moi passer.

    - Mais vous voyez bien que c'est impossible.

    - S'il vous plait, merci, pardon...

    - Monsieur, eh! l'animateur ? Vous m'entendez ?

    - Vous voyez bien que je suis occupé.

    - Ecoutez-moi.

    - Mais j'ai autre chose à faire.

    - Ce ne sera pas long.

    - Vous alors, n'insistez pas ; je fais une installation électrique.

    - Ecoutez-moi une minute.

    - Mais non, je vous dis.

    - Mais oui, voilà; c'est pour une annonce au micro.

    - C'est pas possible.

    - Mais vous l'avez à la main. Passez-le moi.

    - Mais enfin, non c'est pas croyable ça !

    - Que vous êtes désagréable!

    - Ca, alors, elle m'insulte, maintenant.

    - Vous pourriez ; un petit service ; depuis une minute que vous parlez pour rien, ce serait fait.Donnez-moi ce micro

    - Elle me donne des ordres maintenant. Allez- vous- en.

    - Comme il me parle ! C'est ça la conviviença occitane !

     


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  •  Manifestation prévue et préparée depuis longtemps.

    M'y ont accompagnée : les jeunes de la famille : Emilie et son compagnon Philippe ; Mélodie, soeur d'Emilie, Flavien, stagiaire à la ferme. 

    Sont venus :  les collègues du Var, du Vaucluse et d'autres régions de France...

    Au départ de la marche, un espace a été aménagé : c'est le village OC. Y sont installés derrière leur stand : les vendeurs de casquettes, de camisons,de livres, de brochures...

    La déambulation commence avec les groupes folkloriques, les landais quillés sur leurs échasses, les musiciens, lei cantaires,les enfants des calandretas (écoles bilingues), les porteurs de pancartes et de calicots Anem OC!, les distributeurs de prospectus, les personnalités qui prendront place à la tribune sur la place du Capitole.


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  • "Oulipo boule de neige": une lettre de plus pour chaque mot...drôle de truc !

                                                         A

                                                        LA

                                                       VIE

                                                      VOUS

                                                     BUVEZ

                                                    BELLES

                                                   EPOUSES

                                                  EPLOREES

                                                 ALANGUIES

                                                ROUCOULANT

                                               STUPIDEMENT                          ( onze !)

                                                      


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  • Je me souviens...du téléphone

    Je me souviens  du téléphone de Madame Gros. Elle était la seule de la rue à être "branchée" parce que son fils travaillait aux PTT. C'est dans sa salle à manger que l'on appelait le médecin ou que l'on prévenait la famille d'un contre-temps obligeant au dernier moment à retarder une visite. C'est chez elle aussi qu'arrivaient les "coups de fil" de correspondants se confondant en excuses pour le dérangement, avec qui elle avait vite fait de lier connaissance. Elle s'empressait alors de "faire la commission" aux intéressés, mais aussi aux commères de la rue, l'information se répendant de façon plus rapide encore qu'avec le téléphone.

    Je me souviens du téléphone de bakélite noire posé sur une petit table du couloir, près de l'annuaire et qui ne semblait se mettre en branle que pour annoncer de mauvaises nouvelles. Dès que son timbre percutant secouait la maison, ma mère se précipitait, affolée. "Oh la-la ! Qu'est-ce que c'est encore ! Que je n'aime pas ça !"

    Je me souviens des cabines affichant laconiquement "en panne" au moment où on en avit le plus besoin, des files d'attente sous les parapluies, tappant des pieds pour lutter contre le froid. Aucune des mimiques du chanceux qui tenait entre ses mains l'appareil magique n'échappait à ceux qui attendaient et y allaient de leurs commentaires. Quelle que soit la personne, cela faisait toujours exactement "deux heures" qu'il ou elle "racontait sa vie".


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