• Mythologie - Le pavé parisien - Jean-Paul - 07/01/2016

    Mythologie - Le pavé parisien - Jean-Paul - 07/01/2016Le pavé parisien a paradoxalement une représentation fort éloignée de celle d’un objet que l’on foule aux pieds. On bat le pavé comme on bat la campagne et le plus souvent on s’y écarte des sentiers battus. Car le pavé contient sa propre frontière : il y a ceux qui tiennent le haut du pavé, la partie de la rue qui reste propre et sèche, tandis que les autres sont repoussés sur les côtés, là où roulent les eaux usées et les immondices. Frontière éminemment sociale entre ceux d’en haut et ceux d’en bas, ceux de la haute et le bas peuple.

    Le pavé se fait accueillant pour les marginaux comme la fille qui l’arpente et qui en fait son lieu de travail. Celui qui dérape socialement risque de se retrouver sur le pavé, et l’on en menace l’enfant qui ne tient pas le rôle de bon élève, bon fils, bonne fille que l’on attend qu’il remplisse. Tu finiras sur le pavé !

    Cet ami de celui ou celle qui transgresse l’ordre social est devenu arme et moyen matériel pour l’érection d’une nouvelle frontière entre les mêmes groupes mais cette fois décidée par ceux d’en bas : le pavé se fait barricade et le vulgaire peut ainsi à son tour tenir le haut du pavé d’où il contemple les défenseurs de l’ordre dominant, lesquels sont contraints de lever la tête pour regarder ceux qui à présent les dominent. La position plus élevée permet alors de lancer les pavés, non pas dans la mare où il s’agit simplement de créer des remous et des ondes durables, mais sur les agents de la force publique qui tentent de réduire la barricade en balayant les pavés. Projectile redoutable lorsqu’il atteint son but, propulsé par la main dans laquelle il se cale à la perfection.

    Un nouvel horizon peut apparaître suite à l’arrachage des pavés : l’espoir d’une liberté gagnée par l’insurrection, liberté matérielle symbolisée par le sable étendu en couche avant d’y caler les pavés lors de la création de la chaussée. Le sable est la plage des désirs de l’arracheur de pavé, éleveur de barricades.

    La classe dominante a décidé d’engloutir le pavé plutôt que de l’éradiquer. Des flots de bitume noir, uniforme lisse et silencieux ont été déversés pour effacer le symbole et l’instrument de la transgression insurrectionnelle, ajoutant un obstacle supplémentaire pour ceux qui rêvent d’atteindre la plage.

     

    Jean-Paul - 7 janvier 2016


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