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Lettre de vacances
Chère marraine, cher pépé,
Je vous écris pour vous dire qu'on va bien. Mais j'écris pas bien parce que j'ai mal à la main : hier, la chêvre m'a coincé les doigts en voulant rentrer dans le cochonnier d'Alexis et elle nous a tirés, petit Louis et moi. Madame Alexis m'a mis de la pommade.
Aujourd'hui, je suis contente mais hier j'ai pleuré quand deux hommes sont venus parler à M. Bistagne : il était à côté de moi devant la maison Pinos : on regardait les Américains qui arrivaient. Je sais par coeur tout ce qu'ils lui ont dit : le soir, j'ai tout répété à tonton Eugène. Il a dit que les FFI avaient arrêté M. Bistagne parce que c'était un collabo.
Un soldat a fait monter Suzanne sur son tank et il l'a embrassé.
Moi, j'ai envoyé des fleurs.
On est revenu au cabanon. On a commencé à souper. Mais tout d'un coup, la cloche a sonné : moi, je croyais que c'était pour les Américains mais tonton Félix,les hommes ont crié :
-"non, c'est le tocsin ! y a le feu!" et ils sont partis en courant sans finir de souper.
On est resté longtemps à les attendre. Quand ils sont revenus, ils ont dit que ça brûlait de l'autre côté vers Cuges et que d'en haut on verrait le feu.
On a monté la colline ; on est resté longtemps à regarder. C'était comme un feu d'artifice mais par terre : un tapis d'étincelles rouges, jaunes, dorées. Tonton a dit :
-"Les arbres qui ont brûlé sont tombés. A l'endroit qu'on regarde, c'était que des garrus. Ca craint rien."
On est redescendu pour se coucher. Les hommes sont restés dehors.
Dimanche, on ira peut-être manger la macaronade chez tonton Valentin s'il a pu avoir des pâtes à l'usine.
Je vous fais de grosses bises.
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