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Des femmes
Consigne : Deux personnages principaux dans un évènement de portée historique
Des femmes
Fendant la foule, elle progresse vers la tribune, toute auréolée de ses cheveux blonds vaporeux et de l’admiration des manifestantes qui se pressent sur la place de la République et dans les rues adjacentes, en cet automne 1972.
« C’est elle », dit Annie, la petite secrétaire sous payée et harcelée par son patron. « Formidable qu’elle soit venue », approuve son amie Claudine qui traîne par la main les deux gamins qu’elle n’a pu laisser à personne. « Je l’aimais déjà au cinéma, la voir au milieu de nous, ça fait tout drôle » dit une vieille dame, le regard rêveur. Autour d’elles, des femmes en jean et veste afghane, des bourgeoises en manteaux bien coupés, des prostituées trop maquillées, des couples homosexuels enlacés, des filles avec leur mère, des mères avec leurs enfants, et par-ci par-là des hommes forçant leur sourire pour cacher leur gêne et manifester leur solidarité.
De sa voix chaude et grave, la jeune femme blonde s’excuse auprès des participantes qu’elle doit bousculer pour avancer. A celles qui la remercient d’être là, elle répond avec un sourire modeste « Mais c’est tout à fait normal » ou « C’est notre combat à toutes ».
Arrivée par l’autre côté de la place, une petite brune aux cheveux longs, dossiers sous le bras, rejoint la tribune sous les applaudissements et embrasse les autres intervenantes qui ont déjà pris place. « C’est l’avocate du procès de Bobigny… Et pendant la guerre d’Algérie, la défense des militants FLN… Quel courage ! ». Gisèle Halimi fait taire les acclamations d’un geste énergique, tout en empoignant le micro pour le tendre à Delphine Seyrig qui vient enfin de s’extraire de son bain de foule.
« Merci, merci, mais nous ne sommes pas là en tant qu’actrice ou vedette du barreau, mais en tant que femmes solidaires » précise la voix inoubliable de « L’Année dernière à Marienbad », « India Song » et autres films d’anthologie. Elle présente les autres intervenantes, laissant longuement acclamer MLF, MLAC, Mouvement des prostituées, et aussi toutes les anonymes qui se battent pour la libération des femmes. Elle parle ensuite de la petite Marie-Claire, adolescente de 16 ans, poursuivie en justice avec sa mère et trois collègues de travail l’ayant aidée à avorter à la suite d’un viol. Les slogans fusent, repris par des milliers de voix « Nous sommes toutes des avortées », « L’Angleterre pour les riches, la prison pour les pauvres », « Avortement libre et gratuit ».
Dominant la place sous son bonnet phrygien, Marianne semble leur tendre pour rectification le document de bronze portant l’inscription « Droits de l’homme ».
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