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Armistice - Bernadette - 9/11/2017
Armistice
J’avais compris que cet homme à la haute taille, vêtu d’un costume sombre, allait jouer un rôle prépondérant dans l’organisation de la marche à laquelle l’école se devait d’assister. Un large ruban tricolore posé sur sa poitrine nous apprit que c’était Monsieur le Maire. Il avait donné le signal du départ du cortège après le rassemblement devant la mairie ; quelques minutes plus tard il en ordonna l’arrêt devant le monument aux morts. La foule s’était tue, recueillie, elle écoutait attentivement le discours prononcé.
A partir de ce moment-là, subjuguée par le personnage, je buvais ses paroles que je ne comprenais qu’à demi. Il parlait de la France, notre patrie ; le mot « sacrifice » revenait souvent attribué aux héros. Il était question d’honneur, de soldats, de tranchées, de pluies de balles que j’avais beaucoup de peine à imaginer. Quelques hommes, d’anciens combattants, nous a-t-on dit, portaient des drapeaux, les mains gantées de blanc, la poitrine couverte de médailles. Certains portaient d’importantes cicatrices au visage, les faisant appeler « les gueules cassées ». D’autres, appuyés sur leur canne, souffraient visiblement de la station debout.
Je pensais que dès mon retour à la maison, j’interrogerais Papa puisqu’il avait participé à cette tuerie ; lui, me donnerait les explications que j’attendais complétant celles dispensées par la maîtresse.
Un autre personnage avait attiré mon attention. En début de cortège, à la droite de Monsieur le Maire, se tenait « Monsieur le Curé ». Je ne comprenais pas pourquoi il avait sa place dans ce défilé, habituée à le voir évoluer dans l’église, sa présence me semblait étrange, saugrenue. Encore une question à poser !
C’était la commémoration de l’armistice du 11 novembre 1918 qui mettait fin à cette guerre qu’on appela « la grande » et dont les participants étaient nommés « les poilus ».
J’avais 6 ans, ma première année scolaire. J’étais désormais projetée dans l’univers des grands.
La veille de l’événement, notre enseignante nous avait précisé que dans tous les villages de France, ce jour-là, des milliers d’enfants et de grandes personnes auraient une pensée émue pour les valeureux soldats qui avaient donné leur vie pour notre pays. Peine perdue, pensais-je plus tard, puisque nous venions d’entrer dans un nouveau conflit..
Cet événement avait marqué ma jeune vie et je ne l’ai jamais oublié.
Bernadette – 9 novembre 2017
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