• Anamnèses valentinoises

    Anamnèses valentinoisesChez ma marraine de Valence, la vie s’organisait autour de la cour : on la traversait pour se rendre au jardin, aux toilettes, pour aller d’un logement à l’autre. L’été on y mangeait, on y faisait la sieste.

    L’après-midi, il allait lire dans la chambre les Tintin et les Spirou de son cousin. On le débusquait, on l’envoyait jouer dehors (par ce beau temps, tu ne vas pas rester enfermé).

    Casquette vissée sur la tête, tablier bleu, pull troué, le pépé l’emmenait au jardin, lui confiait un seau pour vider la fosse des toilettes, lui apprenait à tuer les petits chats.

    Une vigne poussait autour de la cabane du voisin. Les raisins étaient petits, bleus, leur peau était épaisse. Il les avalait en faisant la grimace tellement ils étaient acides.

    Françoise, sa cousine, travaillait à domicile : elle enroulait des fils électriques de couleur sur des bobines. Il voulait l’aider mais ne parvenait qu’à emmêler les fils.

    Sa marraine cuisinait des plats qu’il ne mangeait que chez elle : gâteaux de foies, criques, quenelles, gratins de cardes, tartes à la rhubarbe, pognes.

    La remise était sombre et haute, pleine de meubles au rebut, d’outils hors d’usage, de malles remplies de vieux vêtements avec lesquels il se déguisait.

    Les femmes faisaient la lessive au bassin : deux bacs profonds en ciment dans lesquels elles lavaient et rinçaient le linge. Il actionnait une pompe à bras pour remplir les bacs.

    Aux repas de fête, il vidait les fonds verre. Le pépé débouchait des bouteilles qu’il tirait de la cave : Saint-Péray, Cornas, Clairette de Die.

    Derrière les cabinets, il y avait des clapiers. Il allait regarder les lapins, leur donnait de l’herbe qu’il avait coupée au fond du jardin.

    Parfois, le pépé attrapait un lapin par les oreilles et le portait à la Zizou. Elle l’attachait par les pattes arrière, lui donnait un coup de  bâton derrière la tête et lui enfonçait un couteau fin et pointu dans l’œil. Le sang coulait dans un bol où elle avait d’abord mis des herbes et des lardons. Elle faisait cuire le tout dans une poêle  pour faire la sanguette.

    Jean-Paul - Avril 2013


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